Au total 1 084 zones humides ont été inventoriées. Il s’agit de milieux de nature très variable. Les variations s’expriment en terme de dimension, de fonctionnalité et de degré de conservation.

Au delà des variations liées aux types de substrats sur lequel elles se développent, on peut distinguer 3 types « fonctionnels » :

  1. les sources et suintements (milieux fontinaux) = très nombreux en montagne, souvent de petite taille (< 0,5 ha), liés à des affleurements et à des ruissellements latéraux qui disparaissent rapidement dés formation d’un ruisselet. Se situent généralement en bas de pente, où dans les versants au niveau de résurgences. Elles forment des tâches ponctuelles, souvent peut identifiables dans le paysage.
  2. les zones humides « alluviales » dont la présence est associée à la dynamique d’un ruisseau. L’alimentation en eau peut s’opérer par la nappe d’accompagnement du ruisseau, par les crues ou les inondations (pour les plus grands systèmes) ainsi que par des ruissellements latéraux. En montagne, elles se développent dans les fonds de vallons, à la faveur de rupture de pente dans le profil en long ou bien de dépressions humides plus ou moins connectées au ruisseau principal.
  3. Les dépressions tourbeuses, les mares et autres formations marécageuses indépendantes d’un fonctionnement alluvial.

Une typologie simplifiée a été élaborée pour l’identification des zones humides inventoriées. 16 types sont distingués.

Afin de simplifier l’analyse, les types de zones humides ont été regroupés de la façon suivante :

Grand type de milieuTypes regroupés
Saulaies
  • Saulaie marécageuse
Aulnaies et aulnaie frênaie
  • Aulnaie marécageuse, aulnaie-frênaie, aulnaie et aulnaie-frênaie plantée
Formations tourbouses
  • Tourbière, tourbière dégradée, tourbière boisée
Milieux humides annexes
  • Prairie humide, jonchaie haute, roselière, communauté à grands carex, mégaphorbiaie
Sources et suintements
  • Sources et suintements, tuffière
Mares et mardelles
  • Mares et mardelles

En cumulé, les zones humides inventoriées couvrent 698 ha. Le type le plus représenté est celui des aulnaies et aulnaies-frênaies, qui dominent largement l’inventaire en nombre et en surface : 397 aulnaies, représentant 48% de la surface (Figure 1). On trouve ensuite un grand nombre de sources et suintements accompagnant le chevelu hydrographique dans les zones de talwegs en tête de bassin versant. Bien que nombreuses, ces formations sont essentiellement de petite taille (surface moyenne inférieure à 0,4 ha) (Figure 2). Leur surface cumulée représente tout de même 19% de l’inventaire. Les types les moins représentés sont les saulaies. Ces formations sont peu développées dans le massif vosgien. On les retrouve en fond de vallée sur des banquettes alluviales, et s’inscrivent dans une dynamique de fermeture d’anciennes prairies humides, en association avec les formations à Aulnes glutineux.

Pour finir, 114 mares (ou mardelles) ont été inventoriées. Environ 70 % d’entre elles forment la structure majoritaire, le reste étant compris dans une formation humide plus complexe, dans des zones de suintements, des aulnaies-frênaies ou encore des milieux humides ouverts (prairie humide ou formations tourbeuses).

Agencement spatiale des zones humides et notion de réseau

Agencement spatiale des zones humides et notion de réseau

Dans près de 75 % des cas il s’agit de formations homogènes, c’est à dire constituées d’une seule formation humide, le reste étant des ensembles complexes ou en mosaïque.

Les formations tourbeuses, les milieux humides ouverts (prairies, roselières…) et les saulaies, sont des structures le plus souvent impliquées dans une organisation complexe où s’associent dans une même enveloppe plusieurs formations humides. Ce constat peut en partie s’expliquer d’un point de vue écologique, puisque ces milieux s’inscrivent dans un processus évolutif où peuvent s’exprimer différents faciès. Les saulaies forment le plus souvent un stade primaire de reboisement d’anciennes prairies humides non entretenues, ou encore les formations tourbeuses évoluent spontanément vers des faciès boisés ou vers des formations basses à Molinie.

Au contraire, les zones humides boisées à Aulnes et les mares forment des structures stables, dont les faciès sont généralement très homogènes dans le paysage forestier (on ne parle pas ici d’habitat au sens phytoécologique).

Certaines formations se retrouvent majoritairement en structures secondaires impliquées dans une matrice humide plus globale. C’est le cas des mégaphorbiaies, des formations à grand carex, des jonchaies et autres prairies humides, que l’on rencontre régulièrement en contact avec les aulnaies-frênaies des fonds de vallon.

Notion de réseau et de connexion hydrographique.

Au delà de la structure ponctuelle des zones humides, il convient de s’intéresser à l’organisation en réseau de ces zones humides. Dans une zone alluviale de type fluviale, les zones humides du lit majeur sont clairement associées au sein d’un réseau plus global, dont la prise en compte est d’autant plus importante que l’environnement est fortement fragmenté (urbanisation, cultures…). En contexte forestier de montagne sur des petits systèmes hydrographiques cette notion de réseau est moins précise, d’autant que la forêt fournit une matrice très homogène et stable pour ces milieux (fragmentation moindre). L’enquête révèle que 56 % des zones humides ne sont pas connectées à une autre formation humide, 36 % l’est de façon permanente et 8 % de façon temporaire. Lorsqu’il y a connexion, le lien est majoritairement assuré par un ruisseau (77 % des cas) et de façon secondaire par des fossés accompagnant les infrastructures (routes, pistes…).

Sur la zone d’étude, la présence et la fonctionnalité des zones humides sont donc étroitement liées au chevelu hydrographique.

Les vallées forestières des Vosges alsaciennes et du Jura alsacien, forment donc des complexes importants en terme hydrographique. Elles abritent des zones humides complexes basées sur des formations à déterminisme alluviale. La géomorphologie détermine également l’expression d’un réseau fonctionnel de zones humides plus ou moins connectées entre elles, depuis les têtes de bassin jusqu’à vallées basses. Il semble essentiel que le gestionnaire forestier intègre, dans ses schémas de gestion, ces espaces comme des entités propres qui façonnent les bassins versants.

Environnement des zones humides

Les milieux forestiers environnants sont à 80% des milieux jugés naturels (avec plus de 70% d’essences autochtones) (Figure 4). Dans 10% des cas, il s’agit de peuplements non naturels (c’est à dire avec plus de 70% d’essences non autochtones). Enfin, il faut souligner l’importance des zones humides se trouvant au sein de plantations (principalement épicéas et douglas), représentant 10% de l’effectif total.

Evolution naturelle des zones humides

En terme d’évolution, il s’agit en majorité de milieux considérés comme stables (Figure 5), dont la fonctionnalité ne semble pas perturbée. La principale dynamique observée qui peut être localement associée à une dégradation du milieu, reste la fermeture par le développement de ligneux. Ce dernier cas est particulièrement observé pour les milieux ouverts (surtout les milieux tourbeux - stables à 38%, en cours de colonisation à 47%) (Figure 6).

Pour autant cette dynamique s’intègre dans des processus écologiques naturels. Le gestionnaire doit identifier les cas de figure où des facteurs aggravants favorisent la fermeture du milieu pour cibler des interventions éventuelles de réouvertures (forte dynamique de l’épicéas dans certaines formations tourbeuses entourées par des pessières).

Certaines mares présentent un comblement progressif. Ponctuellement et selon les enjeux identifiés, des travaux de curage ou de désenvasement peuvent être effectués.

Les espèces végétales exotiques et invasives

L’espèce la plus fréquente est la Balsamine de l’Himalaya (Impatiens grandiflora) que l’on rencontre dans 6,9% des relevés. La seconde espèce rencontrée est la Renouée du Japon (Fallopia japonica)(1,5% des relevés). Ces deux espèces se trouvent en majorité dans les aulnaies, aulnaies-frênaies et les milieux humides accompagnant le réseau hydrographique (à l’exception des zones de sources dans les têtes de bassins versants).

La perturbation liée aux espèces végétales exotiques invasives est globalement peu marquée, et ne semble pas soulever de problème majeur en contexte forestier. D’autant que les relevés indiquent un recouvrement discontinu dans plus de ¾ des cas (sous forme de tâches localisées ou de pieds isolés. La Balsamine de l’Himalaya est nettement plus fréquente, pouvant former un couvert continu. Elle se rencontre principalement dans les zones humides rivulaires, pouvant constituer l’espèce dominante dans des mégaphorbiaies, ou des aulnaies-frênaies à hautes herbes. Toutefois, sa présence n’empêche pas ou peu l’expression de la flore locale.

La présence de ces espèces, traduit généralement une perte de naturalité du milieu. En contexte forestier, les sources de dissémination, sont fortement associées aux activités anthropiques – entretien des infrastructures (piste, route, fossé…), remblais et autres apports de matériaux externes au massif.

 Balsamine

de l’Himalaya

Renouée du JaponSolidage du CanadaPrunus serotinaRobinier faux accacia
Aulnaie12,7 %3,1 %1 %Traces0,8
Saulaie10,9 %0 %2,2 %00 %
Milieux humides annexes (prairies…)10,3 %0 %0,8 %01,6 %
Mares et mardelles2,6 %0 %0 %00 %
Sources et suintements2,2 %0,8 %0 %Traces0,6 %
Tourbières0 %1,1 %0 %00 %
TOTAL7,1 %1,40,5 %00,65 %

Impacts de la gestion forestière sur les zones humides

Les opérations de gestion menées en forêt peuvent avoir des impacts directs ou indirects sur les zones humides, à plusieurs niveaux :

  • sur la qualité et la quantité d’eau : influence reconnue à l’échelle des bassins versants qui varie en fonction de la composition en essence des peuplements, de la surface et du type de coupe ; ou encore de façon localisée lors des pollutions diffuses liées aux exploitations aux traitements chimiques ;
  • sur la fonctionnalité (bilan hydrologique) de ces milieux : de façon directe via les réseaux de drainage interne aux zones humides, ou encore les travaux de remblaiement, et de façon indirecte via les infrastructures (schéma de desserte…) ;
  • sur la qualité écologique des habitats : le degré de naturalité, la représentativité des habitats biologiques sont autant d’aspects qui peuvent être dégradés par les choix du gestionnaire en terme de conduite de peuplement, de plantation, de développement des espèces invasives, de gestion cynégétique…Le gestionnaire peut également influencer les conditions microclimatiques associées aux biotopes humides à travers le dosage de la lumière, la gestion du stock de bois sur pied (densité), la gestion de la structure verticale (des strates)…

Dans ce paragraphe on se limitera aux impacts observés sur la structure, la fonctionnalité ou encore les traces liées à l’activité forestière dans les zones humides inventoriées. L’approche reste une description qualitative sans analyse approfondie.

Conversion de peuplement

Sur l’ensemble de la zone étudiée, 7,8% des zones humides inventoriées sont dégradées par une plantation de résineux (tous types de zone humide confondus). L’intensité de cette perturbation varie en fonction de la surface touchée par rapport à la surface totale de la zone humide. Dans la majorité des cas répertoriés, ces plantations occupent de 15 à plus de 50 % de la surface totale. Il s’agit typiquement de reboisements en fonds de vallons, ou de milieux ouverts considérés comme improductifs, dont la valorisation économique dans le contexte socio-économique des années 60-70 était un objectif répandus.

Ces situations aboutissent à une modification des cortèges végétaux, et à une perte d’équilibre entre le fonctionnement hydrique et les formations végétales présentes. Le préjudice peut être dans ce cas considéré comme majeur.

Les perturbations liées à l’exploitation forestière

Les travaux et aménagements effectués dans les zones humides ou à leurs abords influencent directement la fonctionnalité des milieux.

La mise en lumière brutale suite aux exploitations, provoque une perturbation dont l’intensité s’estompe progressivement avec la revégétalisation du site. D’après l’inventaire, cela concerne en particulier les espaces humides ouverts, comme les mares et les tourbières – c’est à dire des milieux sensibles aux modifications brusques du couvert végétal.

En l’occurrence pour réduire de tels impacts il convient de viser à maintenir des formations végétales tampons (arborées et arbustive) en contact immédiat avec la zone humide. Leur présence doit permettre de tamponner les effets secondaires néfastes liés à des coupes.

Les résidus de coupe abandonnés suite à l’exploitation ont été relevés dans ¼ des zones humides inventoriées. L’impact réel reste toutefois limité. Il convient d’attirer l’attention du gestionnaire sur les conditions de réalisation des exploitations en zone humide. Un nettoyage complet des parterres de coupe n’est pas souhaitable, mais il est important de ne pas laisser les rémanents recouvrir totalement les zones humides (blocage de la végétation, eutrophisation…).

L’orniérage est également marqué, puisqu’il est relevé dans 8,5% des zones humides et particulièrement dans les tourbières, d’où une nécessité d’adapter les méthodes d’exploitation sur ce type de milieu (problématique du tassement des sols également marquée).

La montagne vosgienne est parcourue par un abondant réseau de pistes et de routes forestières évalué à 4,2 km / 100 ha de forêt (Patzelt G., 2003). On trouve fréquemment des pistes forestières en bordure immédiate des zones humides (Figure 8). Cette situation est principalement liée aux contraintes topographiques, le tracé des infrastructures étant systématiquement calé sur les zones de moindre pente. Peu d’actions peuvent être menées dans le sens d’une réduction de cette pression, qui dans certains cas conduit à une modification significative du fonctionnement hydrologique.

Les passages d’engins (hors piste et route forestière) dans ou à proximité immédiate des zones humides sont également observés. Ces milieux se caractérisent le plus souvent par des sols hydromorphes de faible portance, sensibles au tassement et à l’orniérage. Il est impératif d’éviter les passages d’engins dans ces milieux pour préserver leur qualité.

L’organisation de la desserte est donc un aspect sur lequel le propriétaire et le gestionnaire ont une influence directe. La pression globale (impacts directs et indirects) que posent les infrastructures sur les milieux aquatiques est réelle. Aussi, des opérations de restauration peuvent être envisagées par suppression des infrastructures de fond de vallée au profit de pistes ouvertes dans les versants.

Impacts sur le fonctionnement hydraulique

La présence de drain a été relevée dans 16% des cas. Les drains encore visibles ne bénéficient plus d’un entretien, et leur fonctionnement se réduit progressivement par comblement. Ces drains sont surtout observés sur les milieux ouverts les plus engorgés en eau (formations tourbeuses, prairies humides…), sur lesquels a pu se développer une activité agricole dans le passé. Des actions ciblées sur ces drains doivent permettre de résorber leur action. La présence de pistes et de route forestières en contact avec les zones humides peut également induire une modification du fonctionnement hydraulique, en jouant un rôle de drainage, ou au contraire en réduisant les possibilités d’évacuation de l’eau. Aucune analyse de ce type n’a été conduite dans le cadre de cette étude.

Les comblements de zones humides par des remblais induisent également une modification des caractéristiques hydromorphiques de ces milieux. Ces comblements n’occupent pas la totalité de la surface de la zone humide, et résultent le plus souvent de la mise en place d’infrastructures (pistes sur remblais, place de dépôt,…). Les zones de suintements en fonds de vallon sont majoritairement touchées.

Autres sources de perturbations

En milieu forestier, hors du contexte de la gestion et de l’exploitation forestière, les sources de perturbations des zones humides sont assez limitées. Les activités et travaux en milieux naturels et donc en zone humide bénéficient déjà d’un cadre réglementaire étoffé. Dans la majorité des cas aucune autre source de perturbation n’a été identifiée. Quelques cas isolés de décharges sauvages (anciennes le plus souvent) ont été répertoriées. Par contre, la présence d’une activité cynégétique a été relevée dans 23 % des zones humides. Pour près de 10 % des cas il s’agit de poste d’agrainage fixes, ou d’affouragement (maïs, betteraves…), pierre à sel ou goudron de Norvège. Pour le reste il s’agit principalement de postes d’affûts (miradors), ou de présence de prairies à gibier. En contexte forestier, la grande faune (ongulés et suidés) apprécie particulièrement les refuges et points d’alimentation que procurent les zones humides naturelles. Si leur présence n’est pas source de problème, la sur fréquentation liée aux postes fixes d’agrainage et généralement aux méthodes d’affouragement en milieu humide créée d’évidentes perturbations (absence de végétation au sol, surpiétinnement…).

Traduction

  • dialogos GbR
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