Cette notice présente diverses mesures de soins aux jeunes peuplements pour les forêts de montagne en général, mais aussi pour les forêts de protection à plus basse altitude, avec pour objectif sylvicole à long terme de créer des structures irrégulières par groupes.

Parmi les trois méthodes – soins aux collectifs, compartimentation et soins aux arbres de place - il s’agit d’en choisir une en fonction de l’altitude et de l’état initial du peuplement.

Le jardinage par groupes en tant qu’objectif

Les expériences faites ces dernières décennies montrent qu’en montagne, les structures irrégulières par petits groupes, avec un mélange proche de la nature, sont les mieux à même de répondre aux attentes très diverses envers la forêt. L’exemple le plus évident est celui des forêts protectrices, où l’on recherche à la fois un effet protecteur ininterrompu et une minimisation des risques (profil d’exigences NaiS – Gestion durable des forêts de protection. Soins sylvicoles et contrôle des résultats). En outre, la stabilité des forêts de montagne est essentielle aussi hors forêt protectrice.

L’objectif sylvicole est le jardinage par groupes. Cette dénomination est utilisée lorsque le jardinage de montagne, pratiqué à l’aide d’ouvertures de rajeunissement adaptées à la station,  est reproduit à des altitudes plus basses et dans des forêts feuillues. Ce type de jardinage est aussi plus aisé à pratiquer qu’un jardinage individuel lorsque la récolte de bois se fait avec le câble-grue. La taille, la forme et l’orientation des ouvertures varie en fonction des conditions stationnelles, des objectifs de rajeunissement et de limitations imposées par les dangers naturels.

Jardinage par groupes
Forme de traitement lors duquel, à la différence du jardinage classique, on prélève des groupes d’arbres ou des collectifs pouvant atteindre une surface de 10 ares.

Les soins à la jeune forêt font partie d’un tout. Il est essentiel de considérer les soins à la jeune forêt comme partie intégrante de la gestion des forêts et de les diriger dès le début vers l’objectif sylvicole à long terme. En forêt protectrice, les mesures découlent de l’analyse du besoin d’intervention (NaiS). Les méthodes présentées dans ce document sont à comprendre comme des interventions initiales, permettant la conversion de jeunes peuplements surfaciques en forêt jardinée par groupes. Ces forêts présenteront plus tard les conditions requises pour un rajeunissement échelonné menant à des structures étagées. Par la suite, le rajeunissement dans les peuplements jardinés a lieu sur des surfaces de plus en plus petites et ne demande souvent que des interventions ponctuelles au profit de certains arbres ou de (petits) collectifs.

Principes des soins à la jeune forêt

Dans les jeunes peuplements aussi, l’évolution naturelle est mise à profit. Des interventions ne se font pour la guider que si cela est nécessaire pour atteindre l’objectif sylvicole. Les soins aux forêts de protection sont également fondés sur ces principes de la sylviculture proche de la nature selon NaiS ainsi que sur des concepts de soins à la jeune forêt selon Ammann, concepts connus sous l’appellation de rationalisation biologique.

Dans les jeunes forêts, l’évolution naturelle est à accepter et à mettre à profit aussi longtemps qu’elle se dirige vers les objectifs prévus (automation biologique). Dans ce contexte, conjointement à la mortalité, l’autodifférenciation joue également un rôle important en induisant une différenciation de la position sociale des arbres. Il convient de s’en servir. Les interventions ne se font en principe que si elles sont nécessaires pour conserver des essences souhaitées ainsi que la stabilité des arbres et des petits collectifs (coefficient d’élancement, longueur et forme de la couronne) ou pour conserver des lisières intérieures. Les éléments favorables à la structuration tels que les loups, rustres essences pionnières ou encore les trouées et les effondrements de petite taille sont également utiles au développement de structures étagées et doivent être conservés.

Les soins aux jeunes peuplements ne servent qu’à guider l’évolution. Ils se limitent aux interventions directement utiles pour atteindre les objectifs (principe de concentration). Il faut en principe s’abstenir d’appliquer des mesures à effet homogénéisant comme la sélection négative, les interventions dans le bourrage ou les mesures accessoires. Il s’agit aussi d’éviter de réduire inutilement le nombre de tiges, notamment dans les forêts de protection contre les chutes de pierres. Il est en outre très important de conserver sciemment les essences pionnières en tant que peuplement préliminaire à des fins de structuration du peuplement, d’amélioration du sol et en tant que participation à l’effet protecteur contre les dangers naturels.

L’automation biologique et le principe de concentration font partie de la rationalisation biologique. Ils valent pour toutes les mesures sylvicoles et non seulement pour les soins à la jeune forêt. Il s’ensuit que les interventions visent toujours une sélection d’éléments positifs. Des soins surfaciques entraînent des travaux coûteux, freinent la différenciation nécessaire et sont donc contreproductifs.

Conditions de réussite lors de la conversion

Pour réussir la conversion en structures irrégulières par groupes il est indispensable de suivre un processus de rajeunissement échelonné sur de longues périodes. Les soins à la jeune forêt doivent en principe apporter les conditions préalables suivantes:

  • suffisamment de lisières intérieures stables et/ou d’éléments stabilisateurs à longue espérance de vie, destinés à devenir les futurs arbres en bordure des petites ouvertures de rajeunissement
  • mélange conforme aux objectifs et adapté au climat futur

Éléments stabilisateurs
Arbres ou petits collectifs présentant une stabilité individuelle particulièrement élevée.

Les jeunes forêts jouent un rôle clé dans l’adaptation au changement climatique. Il est donc essentiel d’identifier dans le rajeunissement naturel des essences aujourd’hui encore peu concurrentielles, mais adaptées aux conditions futures, et de les promouvoir si cela fait sens.

Sur les terrains qui requièrent l’utilisation du câble-grue, les éclaircies dans les perchis ou les jeunes futaies sont techniquement exigeantes et généralement très coûteuses. En outre, il est souvent problématique de laisser de grandes quantités de bois au sol en raison des risques d’attaques des scolytes, notamment s’il s’agit de bois d’épicéa. Ces problèmes peuvent être contournés lorsque des soins adéquats à la jeune forêt développent des effets sur le temps long. Il s’agit par exemple des soins aux collectifs qui façonnent précocement leurs bordures afin qu’elles restent vertes à long terme.

Méthodes de soins en fonction des étages altitudinaux

Les forêts des divers étages altitudinaux se distinguent par leur composition en essences, par l’importance des facteurs stationnels déterminants et par leur dynamique naturelle. Ceci influence autant l’objectif sylvicole que le traitement des jeunes forêts. Sous l’effet du changement climatique, les étages de végétation se décaleront vers le haut car les conditions stationnelles deviendront celles que l’on trouve aujourd’hui aux étages inférieurs.

Selon les étages altitudinaux et le peuplement initial, trois variantes de soins entrent en ligne de compte pour les jeunes forêts (fig.2):

  • les soins aux collectifs (surtout dans les pessières subalpines)
  • la compartimentation (surtout à l’étage haut-montagnard)
  • les soins aux arbres de place (dans les forêts feuillues à plus basse altitude)

En plus des soins aux collectifs bien connus et éprouvés à l’étage subalpin, la compartimentation est surtout utilisée à l’étage haut-montagnard, où les soins aux collectifs ne sont souvent plus considérés comme appropriés. Ces deux méthodes font partie des traitements stabilisateurs dans les forêts résineuses de montagne. Quant aux soins s’appliquant aux arbres de place, il s’agit d’adaptations à la forêt de protection à partir de la méthode préconisée par Ammann (2005), pratiquée surtout dans les peuplements feuillus productifs de basse altitude.

Soins aux collectifs

Objectifs et domaines d’application

La structure en collectifs est typique des pessières subalpines où elle apparaît naturellement en raison de la mosaïque de stations favorables et défavorables au rajeunissement. Les collectifs conservent leur bordure de couronnes vertes toute leur vie. Ils restent par conséquent très stables et résistants. Lors de la phase de décrépitude du collectif, une ouverture favorable au rajeunissement avec rayonnement solaire direct apparaît à nouveau. Ainsi se forme sur le long terme une structure irrégulière par groupes, caractérisée par une haute stabilité et une bonne répartition des risques, particulièrement apte à remplir les exigences posées à la forêt de protection.

Collectif
Arbres très rapprochés (jusqu’à 5 ares) formant un manteau extérieur commun (longueur de la couronne: au moins les ¾ de la hauteur de l’arbre).

Les soins aux collectifs sont utilisés à l’étage subalpin (et parfois haut-montagnard) pour convertir de jeunes forêts surfaciques et dominées par l’épicéa en structures irrégulières de collectifs. L’objectif des soins aux collectifs est d’obtenir de petits groupes d’arbres stables formant un manteau vert commun. Ces groupes peuvent être éliminés plus tard, si possible en une fois, lors de l’introduction échelonnée du rajeunissement. La taille et l’orientation des collectifs prévus sont à choisir en fonction de la topographie et de la station, de telle façon que des conditions favorables au rajeunissement apparaissent dans l’ouverture qui sera faite en éliminant le collectif (besoin en chaleur, danger de dessèchement, glissement de la neige, etc.). Plus le terrain est pentu et plus les ouvertures (donc les collectifs) doivent rester petites dans la ligne de pente, afin d’éviter les mouvements de la neige. La structure des collectifs se définit donc déjà dans la jeune forêt lors des soins aux collectifs. On obtient ainsi des conditions favorables pour la conversion à long terme vers le jardinage par groupes.

Dans le passé, les bonnes expériences réalisées à l’étage subalpin avec les soins aux collectifs ont incité à les appliquer aussi de plus en plus à l’étage haut-montagnard. Mais à cette altitude, les structures en collectifs ne se forment généralement plus naturellement. En raison de la taille plus importante des arbres (et donc de l’envergure des couronnes), on y a donc créé des collectifs nettement plus étendues afin de limiter la proportion des couloirs et des arbres de lisière, dont la qualité du bois est moindre. Cela a créé des problèmes (stabilité, essences de mélange) à l’intérieur de ces collectifs. Par ailleurs, les couloirs ont parfois été conçus trop étroits. Ainsi, à long terme, les bordures vertes n’ont pas pu être maintenues, sinon sur le pourtour des premières ouvertures de rajeunissement. 

Dans les forêts de l’étage haut-montagnard, où la proportion de sapins et d‘essences feuillues augmentent, la marge de manœuvre pour rajeunir est plus importante et les soins aux collectifs ne sont plus appropriés. La compartimentation devrait donc mieux convenir dans de tels cas. Sur la base de ces expériences et réflexions, les soins aux collectifs à l’étage haut-montagnard sont à conseillés principalement pour les pessières presque pures à fonction de protection importante. Sur les fortes pentes, la structure en collectifs permet de créer plus tard de petites ouvertures de rajeunissement avec peu de risques. La taille des collectifs doit alors être comparable à celle de l’étage subalpin.

Moment des interventions et exécution

Les soins aux collectifs doivent se faire tôt, dès que les arbres sont suffisamment stables (surtout par rapport aux mouvements de la neige). Le dernier moment pour ces soins et pour conserver une bordure verte est celui où le bas des couronnes va dépasser 2 mètres au-dessus du sol. En forêt protectrice et sur les fortes pentes où les glissements de la neige sont problématiques, les petits arbres dominants d’un collectif devraient atteindre une hauteur de 5 à 8 m, resp. un DHP de 8 à 12 cm pour que l’effet protecteur soit assuré. Plus l’intervention a lieu tôt et plus la vue d’ensemble lors de l’exécution est bonne, les coûts moins élevés et le risque d’infestation par les scolytes plus faible.

La configuration des collectifs s’effectue en principe en une seule intervention. Si nécessaire, une intervention ciblée peut avoir lieu avant les soins aux collectifs en faveur des essences peu concurrentielles (p. ex. le mélèze) sans toutefois intervenir dans les épicéas.

Un procédé particulier peut se révéler adéquat sur des pentes très fortes, lorsque l’ouverture d’un couloir en une seule fois semble trop risquée: laisser provisoirement une bande médiane dans le couloir, bande qu’il faut éliminer ultérieurement.

Le diamètre des collectifs recommandé se situe entre une demi-hauteur et une hauteur d’arbre potentielle, autrement dit 15 à 30 m à l’étage subalpin. La largeur maximale des collectifs dans la ligne de pente ne devrait pas dépasser 15 à 20 m (distance horizontale de tronc à tronc). La forme idéale est allongée, de biais dans la pente (fentes de rajeunissement futures). En principe, aucune intervention n’est effectuée à l’intérieur des collectifs (fig. 6, n° 4). La taille, la forme et l’orientation sont à adapter au terrain (petites stations favorable à l’établissement future du rajeunissement).

L’écartement entre les collectifs (largeur des couloirs), doit mesurer au moins le double du plus grand rayon des couronnes à maturité afin que le manteau vert se maintienne jusqu’à l’âge adulte. Cela correspond généralement à au moins 8 à 12 m  (distance horizontale de tronc à tronc). À certains endroits, la largeur des couloirs peut dépasser ces valeurs, par exemple en faveur de mélèzes ou d’essences feuillues. Mais il convient d’éviter de créer des couloirs larges dans la ligne de pente. La délimitation des bordures des collectifs (voir fig. 6, n° 1) se fait en fonction du peuplement (stabilité, structure, mélange) et du terrain (relief, mosaïque stationnelle).

Pour assurer la qualité du travail et la vue d’ensemble durant les travaux, il est recommandé de marquer les bords des collectifs au préalable. En collaboration avec les chasseurs, la chasse peut aussi être facilitée lors de la mise en place des couloirs (couloirs de tirs).

Tous les épicéas sont systématiquement éliminés des couloirs (fig. 6, n° 2, mais d’autres essences conservées (mélèze, arole, pin, sapin, sorbier des oiseleurs et autres feuillus) (fig. 6, n° 3). Les souches hautes (fig. 6, n° 2) protègent contre les mouvements de la neige (et les chutes de pierres) – le cas échéant, il faut éliminer les branches vertes de ces souches pour éviter qu’elles ne se redressent et ne forment une nouvelle couronne.

Le moment d’intervention optimal, avec le plus faible risque d’infestation de scolytes (surtout le typographe et le chalcographe), se situe à la fin de l’été. Selon le volume de bois, les dimensions des troncs et le risque d’infestation, on peut strier, écorcer ou morceler les bois abattus (ou aussi les souches hautes).

Compartimentation

Objectifs et domaine d‘application

La compartimentation est appliquée dans les forêts de l’étage haut-montagnard riches en résineux ou dans des étages situés plus bas. La notion de compartimentation a déjà été utilisée par Zeller (1994), mais cela en tant que mesure d‘urgence pour des peuplements instables. L’objectif sylvicole à long terme est d’obtenir des peuplements irréguliers, composés de diverses essences, sachant que les ouvertures de rajeunissement offrent davantage de flexibilité qu’à l’étage subalpin. Une grande importance est également accordée à la présence de bordures vertes durables en vue de mettre en place des ouvertures précoces pour le rajeunissement et de réduire les risques. Cependant, la marge de manœuvre augmente en raison de la palette d’essences qui s’enrichit et des conditions stationnelles plus favorables. En plus de la stabilité collective et des lisières vertes dans les zones riches en résineux, des arbres de diverses essences prennent individuellement de l’importance, de même que les éléments stabilisateurs.

Les compartiments sont en général nettement plus étendus que les collectifs (jusqu’à 0.25 ha). Ils comptent donc en proportion moins d’arbres de lisière. C’est pourquoi, lors de la compartimentation, la mise en place de couloirs est complétée au besoin par la promotion d’un petit nombre d’arbres de place en tant qu’éléments stabilisateurs et par des essences de mélange. Comme les compartiments sont plus étendus que les collectifs, ils ne sont pas éliminés en une seule fois lors du rajeunissement.

Compartiment
Partie de peuplement riche en résineux, délimitée par des couloirs (et donc par des lisières internes vertes), comportant un certain nombre d’éléments stabilisateurs et pouvant atteindre 0.25 ha. Souvent, un compartiment n’est pas délimité par des couloirs sur tout son pourtour.

Arbre de place (arbre d’avenir)
Arbre individuel ou petit collectif à favoriser (de 2 à environ 6 arbres très proches et dépendants les uns des autres), généralement avec une fonction d’élément stabilisateur ou d’essence de mélange supplémentaire.

Moment des interventions et exécution

La mise en place des couloirs doit se faire à temps, dès que les arbres sont assez stables (surtout par rapport aux mouvements de la neige), mais toujours si possible avant que le bas de la couronne ne se trouve à plus de 2 mètres au-dessus du sol. Cela permet de conserver des bordures vertes. En forêt de protection et sur les fortes pentes où les mouvements de la neige sont problématiques, les jeunes arbres dominants d’un collectif doivent atteindre une hauteur de 5 à 8 m ou un DHP de 8 à 12 cm pour qu’ils exercent un effet protecteur. Plus l’intervention est précoce et plus la vue d’ensemble est bonne lors des travaux. Les mesures seront moins coûteuses et le risque d’infestation par les scolytes réduit. En cas d’intervention trop précoce et sur les stations favorables au rajeunissement, le risque est de voir les couloirs se repeupler à nouveau et de perdre ainsi l’effet escompté.

Les arbres de place à l’intérieur des compartiments peuvent être favorisés lors de la mise en place des couloirs, mais aussi avant ou après l’intervention, selon l’objectif et l’évolution du peuplement. Ainsi, une intervention en faveur d’essences de lumière, comme le mélèze, sera éventuellement appropriée avant la compartimentation. Pour certains arbres de place, il est possible que plusieurs interventions soient nécessaires – selon l’évolution du peuplement et le moment d’introduction du rajeunissement. Dans d’autres cas de figure, on pourra renoncer à toute intervention pour les arbres de place

Comme les arbres sont plus grands à l’étage haut-montagnard qu’à l’étage subalpin, la largeur des couloirs adaptée au double du rayon maximal des couronnes sera souvent de 10 à 15 m (distance horizontale de tronc à tronc) (Fig.10, n° 2). Les couloirs peuvent aussi se concevoir plus larges à certains endroits, en faveur d’essences de mélange importantes, sachant qu’il convient d‘éviter de créer des couloirs longs ou larges dans la ligne de pente. Les compartiments dominés par les résineux, qui souvent ne sont pas entièrement bordés de couloirs, mais délimités par des parties majoritairement feuillues ou par des structures clairiérées, sont de dimension très variable et peuvent atteindre 25 ares. La taille des compartiments sera d’autant plus réduite que la proportion d’épicéa est forte et que le mélange et la structuration naturelle sont faibles. De même, dans les forêts de protection importantes, la taille des compartiments sera plutôt réduite s’il s’agit de diminuer les risques à long terme et d’obtenir davantage d’options pour le rajeunissement.

Pour faciliter la vue d’ensemble, les couloirs sont localisés approximativement à l’aide de photos aériennes ou d’autres géodonnées. Ils sont placés de préférence parallèlement aux courbes de niveaux, à travers des parties de peuplements dominés par l’épicéa ou éventuellement par le sapin. La ligne exacte de délimitation des compartiments sur le terrain doit tenir compte du peuplement existant. Il convient d’une part de mettre à profit les lisières internes existantes et d’autre-part, en choisissant habilement le tracé, d’intégrer des essences de mélange dans ou en bordure des couloirs. Pour contrer la difficulté de s’orienter dans les jeunes peuplements, de bonnes expériences ont été faites avec les moyens de positionnement offerts par les SIG et les satellites. Ils permettent de rester sur les limites approximatives prévues. Pour la qualité du travail et la vue d’ensemble durant l’intervention, il est recommandé de marquer les bords des compartiments au préalable (au moins sur un côté). En collaboration avec les chasseurs, la mise en place des couloirs peut aussi aider à faciliter la chasse (couloirs de tirs).

Le moment  d’intervention optimal, avec le plus faible risque d’infestation de scolytes (surtout le typographe et le chalcographe), se situe à la fin de l’été. Selon le volume de bois, les dimensions des troncs et le risque de pullulation, on peut strier, écorcer ou morceler les bois abattus (ou aussi les souches hautes).

Tous les épicéas sont systématiquement éliminés des couloirs (fig. 10, 2 mais d’autres essences conservées (mélèze, arole, pin, sapin, sorbier des oiseleurs et autres feuillus) (fig. 10, 3). Les souches hautes (fig. 10. 2) protègent contre les mouvements de la neige (et les chutes de pierres) – le cas échéant, il faut éliminer les branches vertes de ces souches pour éviter qu’elles ne se redressent et ne forment une nouvelle couronne.

À l’intérieur des compartiments, selon les besoins, un petit nombre d’arbres de place sont favorisés en tant qu’éléments stabilisateurs ou pour le mélange. Grâce aux couloirs et donc aux lisières internes vertes, leur nombre est en principe nettement moins élevé que les 60 arbres/ha préconisés par la méthode des arbres de place, mais les soins se font selon les mêmes principes.

Comparaison entre soins aux collectifs et compartimentation

Soins aux collectifs

  • Application principalement à l’étage subalpin
  • Dimension des collectifs: jusqu’à 5 a, avec le plus grand nombre possible d’arbres en bordure
  • Forme allongée (15 à 20 m de large) – orientée en vue des ouvertures de rajeunissement futures
  • Largeur des couloirs: de 8 m à 12 m, le double du rayon maximal de la couronne, distance mesurée horizontalement de tronc à tronc
  • Généralement pas d’intervention à l’intérieur du collectif
  • Lors du rajeunissement, si possible élimination de tout le collectif

Compartimentation

  • Application principalement à l’étage haut-montagnard
  • Dimension des compartiments: jusqu’à 0.25 ha, avec promotion de bordures vertes en vue de rompre les structure homogènes
  • Forme flexible – adaptée à la répartition des arbres sur le terrain
  • Largeur des couloirs: de 10 m à 15 m, au minimum le double du rayon maximal de la couronne, distance mesurée horizontalement de tronc à tronc
  • Si nécessaire, promotion d’autres arbres à l’intérieur du compartiment (éléments stabilisateurs, mélange)
  • Façonnage flexible des ouvertures de rajeunissement, en tenant compte des bordures vertes et des éléments stabilisateurs

Méthode de l’arbre de place en forêt de protection

Objectifs et domaine d‘application

La méthode de l’arbre de place décrite ici est en partie fondée sur les travaux d’Ammann (2005) et est applicable moyennant adaptation dans les forêts protectrices dominées par les feuillus à basse altitude. En principe, vu la fonction prioritaire de protection, l’objectif consiste aussi à créer une structure irrégulière (par groupes), mais les collectifs n’ont plus la même importance que dans les forêts résineuses de montagne. La structure est engendrée par les arbres individuels ou, le cas échéant, par de petits collectifs (2 à 6 arbres). Pour garantir la stabilité du peuplement durant le long processus de conversion en structures étagées, il faut disposer d’un réseau d’éléments stabilisateurs en plus du mélange adéquat et de la stabilité collective. A l’instar de Schütz (1997), nous admettons que pour réussir une conversion en prenant des risques acceptables, il faut disposer, par hectare, d’au moins 40 éléments stabilisateurs à haute espérance de vie. Ces arbres joueront un rôle essentiel dans la formation de bordures stables dans les ouvertures de rajeunissement.

Arbre de place (arbre d’avenir)
Arbre individuel ou petit collectif à favoriser (de 2 à environ 6 arbres très proches et dépendants les uns des autres), généralement avec une fonction d’élément stabilisateur ou d’essence de mélange supplémentaire.

Moment des interventions

L’intervention a lieu dès que l’évolution naturelle en lien avec la stabilité et/ou le mélange des essences ne progresse plus dans la direction souhaitée. Auparavant, il convient d’utiliser au mieux les effets positifs de la hiérarchisation (autodifférenciation). Sur les fortes pentes, les interventions commencent tendanciellement plus tôt (surtout en amont), et cela notamment pour les expositions sud, afin d’éviter ou de réduire la formation de couronnes asymétriques et l’inclinaison des arbres. Dans les peuplements mélangés, les interventions peuvent s’échelonner en fonction de la force de concurrence et de l’état de développement des différentes essences.

Choix des arbres de place

Choisir les arbres de place permet de garantir le nombre d’éléments stabilisateurs souhaités, tout en sachant qu’un peuplement en compte généralement aussi d’autres. Parmi ces éléments, certains ne demandent pas à être favorisés. Le choix d’arbres de place permet en outre d’influencer le mélange.

Les critères de choix les plus importants des arbres de place sont la vitalité et la stabilité, qui vont en général de pair. En forêt de protection, la qualité n’est pas prioritaire. Les écartements entre les arbres de place sont généralement très irréguliers. Les éléments stabilisateurs sont dominants, bien ancrés et ont si possible un port vertical. Sur les versants escarpés, des résineux dans une proportion de 10 à 20% peuvent favoriser le port vertical des feuillus et influencer positivement la stabilité.

Le mélange est orienté si possible à travers la promotion des éléments stabilisateurs. Si nécessaire, des arbres de place représentant des essences adaptées au climat futur sont également favorisés. Ils doivent présenter pour le moins un potentiel de longue durée de vie et une capacité à produire suffisamment de graines, même s’ils sont (encore) peu concurrentiels et ne remplissent pas (encore) les critères qualifiant les éléments stabilisateurs.

Nombre d’arbres de place

Si le nombre d’éléments stabilisateurs et d’essences de mélange est d’ores et déjà suffisant, et s’ils se développement conformément aux attentes, des interventions ne sont pas nécessaires, ou alors seulement ponctuellement. Si nécessaire, jusqu’à 60 arbres de place peuvent être requis et devraient alors permettre d’atteindre les objectifs fixés. Cela correspond à des écartements horizontaux moyens de 15 m ou davantage, sachant que les arbres de place sont répartis irrégulièrement. Leur écartement doit notamment être suffisant dans la ligne de pente, afin que des interventions répétées soient possibles sans devoir éliminer tous les arbres de soutien en amont, sous l’arbre de place voisin.

Il est déconseillé de favoriser un nombre aussi élevé que possible d’éléments stabilisateurs et d’arbres de mélange. Si l’on choisit plus de 60 arbres de place par hectare, il faut s’attendre à une progression des conséquences indésirables sur le plan sylvicole

  • À long terme, éléments stabilisateurs trop faibles en raison des écartements insuffisants entre eux. Ces arbres à longue durée de vie ont besoin d’un volume de couronne important, notamment du côté amont, et doivent généralement être fortement favorisés (plusieurs fois).
  • Éléments stabilisateurs trop peu dominants, qui n’arrivent pas à distancer les arbres du «bourrage» en raison des distances trop faibles
  • Tendance des arbres de place à se pencher en raison du manque d’arbres de soutien dans le «bourrage» en aval, dès le moment où ceux-ci sont éliminés en tant que concurrents de l’arbre de place voisin en aval
  • Homogénéisation croissante du peuplement qui s’oppose à la structuration recherchée
  • Le traitement surfacique renforce l’intensité de l‘intervention, déstabilise davantage le peuplement et augmente ainsi les risques consécutifs
  • La réduction du nombre de tiges et de la surface terrière est plus accentuée, ce qui n’est pas souhaité si la forêt protège contre les chutes de pierres
  • Obstacle à l’éventuelle formation de petits collectifs stables réunissant l’arbre de place et ses voisins non sélectionnés en aval
  • Lorsque le nombre d’arbres de place choisis est trop élevé, il se trouve des exemplaires moins adéquats parmi les très bons arbres, ce qui augmente à la fois le risque d’échec et les coûts par arbre de place
  • Si une partie des arbres de place forment de petits collectifs, ils seront encore plus rapprochés que s’il s’agit d’arbres seuls

Réalisation 

Les arbres de place (individus ou petits collectifs) sont choisis à l’écartement définitif et favorisés. L’écartement doit être suffisamment grand. L’intervention se fait pour les arbres de place (fig 14, n°1). Aucune intervention n’est menée entre eux, afin d’éviter les mêmes effets négatifs que ceux engendrés par la désignation d’un nombre d’arbres de place trop élevé. (Fig. 14, n°2). L’intensité des interventions varie en fonction de la vitalité, de l’essence, de la force de concurrence et de la périodicité des soins. Pour obtenir des troncs verticaux et des couronnes régulières, les concurrents sont éliminés surtout en amont (Fig. 14, n°3). Les arbres de soutien en aval sont sciemment conservés (Fig. 14, n°4). Habituellement, les interventions sont plutôt fortes pour des éléments stabilisateurs à longue espérance de vie. Il convient de laisser les souches hautes pour protéger contre les mouvements de la neige et les chutes de pierres. Le cas échéant, le bois est laissé au sol perpendiculairement à la pente en tant que protection provisoire.

Ce guide pratique , le document de base plus détaillé ainsi que la carte aide-mémoire et la nouvelle donnée d’ordre pour les soins sous www.foret-de-montagne.ch. Ces documents peuvent aussi s’obtenir en version imprimée auprès du Centre CSM.