Qu’est-ce qu’un petit cours d’eau?

Dans le présent document, on considère comme petit cours d’eau tout ruisseau d’une largeur de 5 m environ, au maximum 10 m. Il n’existe pas de distinction précise et tranchée entre les « ruisseaux » et les « rivières » : en effet, sur le terrain, la transition entre les deux types de cours d’eau est progressive. La règle simple utilisée dans la profession pour différencier un ruisseau d’une rivière est la suivante : on parle d’une rivière à partir du moment où le peuplement sylvicole le long des berges n’est plus en mesure de créer un couvert au-dessus du lit du cours d’eau.

Les « petits » cours d’eau constituent la large majorité du système hydrologique : Briem (2003) considère que les petits cours d’eau représentent plus de 90 % du linéaire de tous les cours d’eau.

Qu’est-ce qu’un petit cours d’eau en milieu forestier ?

Si l’on observe plus précisément les cours d’eau situés en milieu forestier, il faut tout d’abord être bien conscient du fait que l’on étudie là une portion du réseau hydrologique, une portion du réseau qui s’étend tel un patchwork sur les régions étudiées. Toutefois, cette portion du réseau hydrologique est loin d’être négligeable : le linéaire des petits cours d’eau en milieu forestier peut être évalué à au moins 15.500 km pour la seule région du Bade-Wurtemberg.

Les petits cours d’eau situés en milieu forestier ne sont pas automatiquement des cours d’eau naturels ou semi-naturels (voir fig. 1). La forêt n’est pas un milieu naturel idéal où tout se passerait bien dans le meilleur des mondes écologiques : la forêt est une zone d’exploitation sylvicole, au même titre que les autres surfaces agricoles. Il n’est donc pas surprenant de constater que cette exploitation peut avoir des conséquences sur les cours d’eau situés en milieu forestier. Le niveau de dégradation des petits cours d’eau situés en forêt peut varier fortement, leur état peut aller du naturel à l’anthropique. Le fait qu’un cours d’eau se situe en milieu forestier n’est nullement une garantie pour son état naturel. A l’inverse, si l’on recherche des cours d’eau naturels dans une région donnée, la probabilité est grande qu’on les rencontre en milieu forestier.

La présente étude s’est principalement concentrée sur les ruisseaux d’état semi-naturel et situés en milieu forestier. L’objet des études présentées ci-après est de réfléchir aux modifications apportées aux cours d’eau en milieu forestier par l’exploitation sylvicole et d’autres actions humaines.

La fonction et l’importance des petits cours d’eau en milieu forestier

La question de la fonction et de l’importance des petits cours d’eau est un très vaste champ d’étude. Nous nous proposons d’aborder ici un nombre limité de points seulement. En principe, on peut distinguer deux niveaux d’étude de la question :

  • Quelle est l’influence mutuelle des facteurs tels que le courant, la structure des cours d’eau et les associations biologiques et comment ces facteurs participent-ils à la formation de cours d’eau tellement différents ? Dans ce cas, il s’agit plutôt de la structure fonctionnelle « interne » des cours d’eau.
  • Quelles sont les fonctions des petits cours d’eau dans le paysage ? Dans ce cas, ce sont surtout les aspects écologiques généraux qui nous intéresseront.

La dernière partie de cette étude donnera des éléments d’information plus détaillés sur la présentation des différents types de petits cours d’eau.

Les cours d’eau sont le facteur naturel qui sculpte les paysages

Les cours d’eau – qu’il s’agisse de petits ou de grands cours d’eau, en milieu forestier ou en paysage ouvert – assurent deux fonctions de base :

  • Les cours d’eau constituent un riche réseau hydrologique : c’est un élément indispensable du cycle naturel de l’eau et donc une composante essentielle des ressources hydrologiques.
  • La force développée par le mouvement de l’eau a creusé des lits de ruisseaux et de fleuves, mais aussi sculpté des vallées et des zones fluviales. Tous les paysages que nous connaissons ont été et sont encore formés et sculptés par la force de l’eau – un processus permanent, invisible pour l’œil humain : cette évolution se produit à une échelle de temps géologique.

Parallèlement à ces effets à long terme sur les paysages, les cours d’eau ont également une influence perceptible par l’homme, sur des surfaces limitées : les cours d’eau creusent les berges, les font s’écrouler, ruissèlent et créent des glissements de terrain, trient les matériaux déposés sur le fond en fonction de leur grosseur, créent et modifient la composition des microbiotopes. La force du courant est le facteur qui crée la diversité des structures de cours d’eau et leur impose une évolution spatiale et temporelle permanente. La diversité structurelle et la dynamique des cours d’eau proches de la nature et des zones inondables ne seraient pas concevable sans la présence de cette force exercée par le courant.

La fonction de l’eau en temps qu’élément sculptant nos paysages est représentée en fig. 2 pour différentes échelles de temps et d’espace.

Organisation longitudinale des cours d’eau

Les caractéristiques de tout cours d’eau naturel varient entre sa source et son embouchure. D’une manière simplifiée, on peut dire qu’un cours d’eau se divise en plusieurs zones : la zone de captage, la zone amont, la zone intermédiaire, la zone aval et l’embouchure (voir fig. 3).

L’évolution longitudinale d’un cours d’eau ne concerne pas uniquement des facteurs physiographiques tels que la pente, le courant, le charriage ou la forme, elle est également accompagnée de modifications de toutes les associations biologiques présentes dans le cours d’eau.

Au fur et à mesure de l’évolution, les organismes vivant dans les cours d’eau se sont acclimatés aux conditions de vie spécifiques des zones extrêmement différentes et ont en quelques sorte « appris » à y survivre. En conséquence, on constate que, entre la source et l’embouchure d’un cours d’eau, les caractéristiques des zones peuvent être extrêmement différentes, la transition entre les zones étant progressive. Ces évolutions sont tellement caractéristiques qu’il est possible de diviser un cours d’eau naturel en différentes zones ou régions biologiques. La division la plus communément utilisée est opérée en fonction des principales espèces de faune piscicole présente sur ces zones.

Pour les petits cours d’eau situés en milieu forestier, les zones les plus importantes sont la zone de captage, la zone amont, la zone aval et la zone intermédiaire, c’est à dire la région supérieure et inférieure d’habitat pour les truites. Les principales populations piscicoles rencontrées dans cette zone sont la truite fario, le vairon et le chabot commun.

Les différentes régions d’un cours d’eau se succèdent de la source à l’embouchure sans transition marquée. Elles sont reliées entre elles par l’eau, le transport de matériaux et les organismes du cours d’eau et constituent ainsi un ensemble cohérent, autrement dit un continuum.

Les petits cours d’eau

Sources et suintements à proximité de sources

Etant très largement influencées par les eaux de nappes, les sources présentent des conditions environnementales très spécifiques et constituent même un biotope spécifique. Leurs associations biologiques – c’est à dire leur eucrénon – se distinguent par une série d’espèces animales et végétales hautement spécialisées parmi lesquelles un grand nombre est menacé.

Généralement, les sources s’écoulent dans de petits suintements qui sont fortement influencés par les eaux de nappes et qui présentent donc de nombreuses caractéristiques propres aux sources. Ceci est également vrai pour le peuplement des suintements de source. On peut donc considérer ces derniers comme faisant partie du biotope de source (hypocrénon).

La transition du suintement de source vers le petit ruisseau

La forte influence des eaux de nappes se réduit rapidement, au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la source et les suintements de source se transforment rapidement en sections amont de petits ruisseaux. Si les suintements de source sont principalement ou exclusivement alimentés par les eaux de nappes, les eaux d’écoulement prennent de plus en plus d’influence sur le cours d’eau, au fur et à mesure que l’on s’éloigne de la source. Cela signifie non seulement que le cours d’eau gagne en volume, mais aussi que son débit est moins régulier. Les eaux du cours d’eau – et en particulier les eaux de crues – deviennent de plus en plus un facteur influençant le milieu naturel, un facteur écologique décisif. La structure des cours d’eau, tout comme la biocénose des cours d’eau, sont de plus en plus influencées par la force du courant et son dynamisme.

La zone du cours d’eau directement limitrophe de la source (crenon) est définie par le terme de rhitral. Le rhitral est caractérisé par des températures très homogènes, froides en été (sténotherme froid) et un niveau d’oxygénation de l’eau toujours très élevé.

Les petits ruisseaux entrant dans cette catégorie ont souvent une largeur inférieure à 50 cm (fig. 6). Ces cours d’eau représentent toutefois une très grande partie du linéaire du système hydrologique, ils recouvrent nos paysages d’un fin réseau hydrologique, jusque dans les zones les moins accessibles. Ces petits cours d’eau, souvent ignorés représentent aussi bien pour les ressources hydrologiques que pour la continuité biologique de nos paysages segmentés un élément essentiel. C’est justement ce rôle extrêmement important des tout petits cours d’eaux qui a souvent été ignoré ou méconnu dans le passé.

Les ruisseaux de montagne

Dans la région de Bade-Wurtemberg, la plupart des ruisseaux se trouvant en milieu forestier sont à considérer comme des ruisseaux de montagne : en effet la plus grande partie des milieux forestiers de grande dimension se trouvent en moyenne montagne. Les observations ci-après se rapportent aux structures hydrologiques présentes sur un espace restreint.

Structures caractéristiques des cours d’eau

Fig. 6: Un ruisseau mineur du Ehrenstetter Ahbach, Forêt-Noire du Sud. Sur la photo de gauche, un petit ruisseau intégré dans sa forêt alluviale. À droite le lit du ruisseau.

Structures d’écoulement

Dans sa descente de la montagne vers la plaine, l’écoulement de l’eau prend différentes formes.

Dans la partie amont des cours d’eau de montagne, la déclivité étant importante, l’eau s’écoule sur des chutes et cascades en direction de la vallée (fig. 7).

Une cascade est constituée d’une petite chute naturelle, due à la présence de blocs ou de rochers, suivis de petits bassins dans lesquels l’eau chute. De tels bassins d’amortissement naturels peuvent être soit très profonds ou – l’autre extrême – très plats et larges. Ces bassins recueillent l’eau qui passe ensuite sur la chute suivante, en direction de la vallée. On constate donc que l’eau passe en permanence d’un état d’écoulement à l’autre : d’une part l’écoulement rapide en chute d’eau, d’autre part le comportement calme, presque stagnant de l’eau qui décrit des cercles dans les bassins intermédiaires. Malgré l’importance de la déclivité et la rapidité de ses mouvements, on constate que, paradoxalement, l’eau progresse assez lentement. Ce type d’écoulement est synonyme d’une transformation maximale d’énergie, un état de fait extrêmement important aussi bien pour les structures hydrologiques que pour les êtres vivants présents dans ce biotope.

La transition rapide entre des structures d’écoulement très différentes est également la raison principale pour laquelle ce type de ruisseau présente une très grande diversité de structures. Le lit du ruisseau peut se composer aussi bien de rochers nus et polis, de blocs de roche, de charriage de toute taille de grain ou encore de matériau à grain fin tel que le sable. Même des accumulations de feuilles ou d’autres matériaux organiques parfois fins sont à considérer comme des structures et des microbiotopes de ces cours d’eau.

Lorsque la déclivité est moins forte, l’écoulement en cascade fait progressivement place à une succession de rapides et de zones calmes (voir fig. 8). Comme leur nom l’indique, les « rapides » sont des zones où l’eau s’écoule plus rapidement sur des matériaux de lit à gros grains. Dans les zones calmes, le cours d’eau est généralement plus profond et son écoulement plus lent.

Cette alternance quasi-rythmique des structures d’écoulement se base sur la structure longitudinale naturelle du fond du ruisseau. La formation du lit du ruisseau est le résultat d’une interaction complexe de différents facteurs qui, jusqu'à présent, a fait l’objet de peu d’études. La présence d’une structure longitudinale intacte du fond du ruisseau, qui se caractérise par une alternance régulière de zones calmes et de rapides, est une caractéristique importante qui permet de dire si l’on est ou non en présence d’un ruisseau de moyenne montagne proche de l’état naturel.

Les structures de fond de ruisseau

Les ruisseaux de moyenne montagne proches de l’état naturel présente un profil transversal très inégal : en fonction de la structure du fond, du charriage, de la forme du cours d’eau et de la végétation présente sur les berges, leur largeur et leur profondeur peuvent varier très fortement.

D’une manière générale, les fonds de ruisseaux présentent des structures très diversifiées. Il n’est pas rare que ces fonds donnent l’impression qu’on est en présence d’une mosaïque chaotique, ce qui ne correspond pas à la réalité : en effet, leurs structures sont dimensionnées par l’eau.

Des facteurs successifs, agissant en interaction, ont une forte influence sur l’évolution de la structure des lits de ruisseau, aussi bien sur le plan temporel que spatial:

  1. Les premiers facteurs dimensionnant la structure sont la composition longitudinale du fond du ruisseau, que nous avons décrite plus haut, ainsi que les structures d’écoulement correspondantes.
  2. En outre, la couverture naturelle du lit du ruisseau joue également un rôle important. Cette couverture se compose de matériaux de fond à gros grains, scellés naturellement. Elle donne au fond du ruisseau une relative solidité, même dans le cas où les quantités sont importantes. La couverture naturelle du lit d’un ruisseau est une caractéristique spécifique de nombreux ruisseaux de moyenne montagne ayant un état proche du naturel. Il existe toutefois certains types de ruisseaux dans lesquels la couverture du lit ne peut se former naturellement ou est incomplète, par exemple dans le cas de ruisseaux naturels ou de ruisseaux à lit de sable.
  3. Le charriage est un autre facteur dimensionnant la structure du lit. Dans le cas d’un charriage à grains fins, comme le sable, le transport du matériau est continu, même lorsque le niveau de l’eau est normal. Par contre, dans le cas de matériau à gros grains, le transport n’a lieu que pendant les périodes de fortes eaux, de manière périodique. Lorsque le charriage à gros grains est mis en mouvement par une crue, il est transporté sur un tronçon du fond, trié en fonction de la taille de grain et cesse sa progression lorsque le niveau du ruisseau baisse à nouveau. A ce moment là, se forment différents dépôts, de composition et de dimensions variables. Ces dépôts constituent alors une mosaïque structurelle différenciée qui conservera une certaine stabilité jusqu'à la prochaine période de crue.

Les périodes de crue influencent non seulement le fond du ruisseau, mais aussi l’érosion latérale des berges et les accumulations au niveau de celles-ci. Les crues exercent une action de sape sur les berges, créent des petits îlots et des bancs à proximité des berges ou les font disparaître.

Une vue d’ensemble des divisions du cours d’eau ou de la création d’îlots sur le Riesenbach dans la région de l’Odenwald, région de grès bigarré du Pays de Bade, donne une impression de grande diversité de formes (voir figure 10).

Les associations biologiques

Faune

Les ruisseaux de montagne et le fort courant qu’ils développent représentent un biotope aux caractéristiques extrêmes dans lequel seules les espèces animales possédant une faculté d’adaptation particulièrement marquée peuvent survivre. Dans les parties du ruisseau où le courant est le plus fort, les espèces animales en particulier piscicoles sont particulièrement rares. Il s’agit ici en particulier de la truite fario, qui est bien souvent la seule espèce piscicole présente dans les eaux tempérées froides des zones amont de ruisseaux. En conséquence, la présence presque exclusive de la truite fario dans cette zone des ruisseaux lui a conféré l’appellation de « région à truites ». En progressant plus en aval, c’est à dire en aval de la région à truites, on rencontrera souvent des associations de truite fario, chabot commun, de vairon et, moins fréquemment, de lamproie. L’association de l’ombre et de quelques autres espèces piscicoles marque le début de la « région des ombres », ce qui signifie que le ruisseau se transforme progressivement en petite rivière.

Pour ce qui est des invertébrés, la situation est différente des espèces piscicoles : aucune espèce d’invertébrés n'est en mesure de survivre durablement dans les zones à fort courant d’un ruisseau de montagne. Le courant y est trop fort et emporterait les invertébrés, ce qui ne leur laisserait aucune possibilité de s’alimenter. Les invertébrés présents dans un ruisseau de montagne se trouveront donc forcément dans les zones où existent des habitats favorables à leur installation : des roches ou des branchages auxquels ils peuvent s’accrocher ou se coller sont indispensables. De plus, leur physionomie et leur comportement sont spécifiquement adaptés pour répondre au risque permanent de dérive dans le courant. Certaines espèces se maintiennent collées aux rochers par l’intermédiaire de ventouses, d’autres exploitent les zones plus calmes en aval de rochers ou de bois mort. Certaines espèces présentent une physionomie particulièrement aplatie, ce qui leur permet d’opposer le moins de résistance possible à la force du courant.

Il faut remarquer qu’un biotope important des ruisseaux de moyenne montagne reste complètement ignoré à nos yeux, bien qu’il joue un rôle essentiel. Il s’agit des couches se trouvant en dessous du fond du ruisseau : l’interstitiel qui se compose de graviers ou gravillons fermement tassés et qui sont traversés en permanence par l’eau du ruisseau. Grâce à des conditions de température et de courant stables, on constate que les conditions de vie y sont beaucoup plus favorables que dans le courant du ruisseau. Le fond du ruisseau, ainsi que l’interstitiel placé directement en dessous constituent donc les biotopes les plus densément peuplés des ruisseaux de montagne. Un grand nombre d’espèces animales de la faune des cours d’eau réside, pendant la période où ils sont particulièrement fragiles, c’est à dire la période juvénile, dans le système protecteur de l’interstitiel. Des exemples de ce comportement sont la truite fario, les ombres et d’autres espèces de poissons pondant sur fond de gravier (fig. 11).

    Si les conditions de vie qu’ils offrent sont extrêmes à de nombreux égards, les ruisseaux de montagne constituent des biotopes exceptionnellement riches en espèces animales. La clé d’une telle biodiversité réside dans la grande richesse des structures : c’est cette richesse qui, du point de vue biologique, est décisive pour le nombre et la composition des biotopes et habitats propices à l’installation d’espèces animales. De nombreuses espèces animales, du fait de leur mode alimentaire et de leur adaptation au biotope « ruisseau de montagne » présentent des relations spécifiques avec certains types d’habitats. La figure 12 montre le tronçon d’un ruisseau de montagne avec sa mosaïque typique des substrats et habitats, ainsi que les différentes espèces résidant spécifiquement dans ces biotopes.

    Flore

    Dans les tronçons supérieurs des ruisseaux de montagne, au courant rapide et turbulent, les hautes plantes aquatiques sont pratiquement inexistantes. Seules les zones à faible courant et particulièrement bien protégées du charriage peuvent accueillir certaines espèces de plantes aquatiques. Ce n’est que dans les régions à truites ou à ombres que les plantes aquatiques parviennent à constituer un élément permanent des associations biologiques des cours d’eau. Il s’agit principalement d’espèces particulièrement adaptées au courant, telles que par exemple la callitriche hamulata, la renoncule peltée (ranunculuspeltatus) ou la berle dressée (berula erecta f. submersa).

    Par contre, la situation des algues et des mousses est complètement différente. Elles font partie intégrante de la végétation de nombreux ruisseaux de montagne. Il s’agit en particulier des ruisseaux pauvres en calcaire (les ruisseaux siliceux): ceux-ci présentent souvent une riche végétation de mousses typique des ruisseaux. Les algues et mousses constituent une microstructure importante qui sont un enrichissement pour la mosaïque des microbiotopes.

    Parmi ces espèces, on trouve en particulier l’important groupe des algues de graviers (les diatomées) qui sont des espèces monocellulaires. Elles constituent des associations riches en différentes espèces et couvrent les graviers du lit du ruisseau de croûtes fines et brunes. Ces couches de diatomées sont littéralement broutées par un grand nombre d’espèces animales vivant dans les ruisseaux et exercent, en tant que base de la nourriture des invertébrés, une fonction importante.

    Lisière des berges

    Tout comme le fond du ruisseau, ses berges sont influencées par la dynamique de l’écoulement des eaux et les processus de sédimentation et d’érosion qui y sont liés. Il est donc logique qu’elles soient également caractérisées par des associations biologiques spécifiques aux ruisseaux. Il s’agit dans ce contexte particulièrement de la frênaie à aulnes de bord de ruisseaux (stellario-alnetum glutinosae). Ce type de peuplement forestier est particulièrement développé le long de ruisseaux de prairies un peu plus larges, dont les vallées ont formé un fond de vallée. La frênaie à aulnes de bord de ruisseau peut former dans ce cas des peuplements très denses et fermés, elle devient alors un élément déterminant du paysage des vallées à prairies.

    Cette très belle image est connue de chacun. Et lorsque l’on rencontre cette image (idéale) en forêt et que l’on se met en recherche de frênaies à aulnes de bord de ruisseau, on est souvent déçu.

    Si, par chance, on y trouve une frênaie à aulne de bord de ruisseau, ce type de peuplement riche en trouées, constitue une étroite bande qui semble toujours interrompue, surtout si l’on observe les étages d’arbres. Ce phénomène a généralement plusieurs raisons : ces raisons sont à la fois naturelles et occasionnées par l’exploitation. Les raisons naturelles proviennent du fait que la frênaie à aulne de bord de ruisseau doit faire face à la concurrence des peuplements sylvicoles voisins. En outre, l’exploitation forestière considère une frênaie à aulne comme un facteur économique moins favorable, donc un type de peuplement forestier qui n’a pas été encouragé, du moins dans le passé : ayant été seulement toléré dans le passé, il est relativement rare.

    Comment se présente une forêt riveraine accompagnant un ruisseau naturel qui traverse une forêt naturelle ? Nous considérons que cette question mérite une étude plus approfondie, afin que tous les aspects puissent trouver une réponse circonstanciée.

    Tout ruisseau, quelle que soit sa taille, présente par nature une lisière de berge spécifique. Cette lisière de berge constitue un élément fonctionnel irremplaçable pour un cours d’eau naturel.

    Mais les questions décisives sont : quelle est la largeur d’une lisière de berge typique d’un ruisseau ? Quelle est sa composition ? La réponse de Bönecke (2004) à ces questions est pragmatique.

    Pour terminer sur la question des lisières de berges, on présente ici certains aspects qui expliquent pourquoi les lisières de forêt riveraine exercent un rôle si important pour les petits cours d’eau :

    • elles facilitent la formation d’une structure diversifiée des berges et également du fond des cours d’eau, la création de structures de berges et microstructures typiques des cours d’eau, comme par exemple un système racinaire ou des milieux propres à offrir des abris pour les truites.
    • elles apportent des feuillages, en particulier des feuillages d’aulne glutineux, source indispensable d’alimentation de tout une catégorie d’organismes (par exemple : les gammares, rivogammaruspulex).
    • elles apportent des bois abattus qui représentent un substrat dur important pour l’installation d’espèces animales. Ceci est particulièrement le cas dans les ruisseaux à écoulement lent et qui présentent un substrat de fond riche en sédiments fins.
    • elles apportent des branchages et des tronçons de gros bois (bois mort) qui sont des éléments structurants et qui encouragent la dynamique propre.
    • en période estivale, l’échauffement est limité par une forte ombre : en conséquence, homogénéité des taux d’oxygène dans l’eau.
    • les forêts de berges représentent pour les insectes d’eau d’importantes possibilités de repos et d’orientation pour leurs vols de compensation vers l’amont du cours d’eau.

    Types régionaux de ruisseaux de Bade-Wurtemberg

    Les cours d’eau agissent en forte interaction avec les paysages auxquels ils sont intégrés. Ceci est particulièrement vrai quand ces cours d’eau sont petits, c’est à dire pour les ruisseaux.

    Etant fortement influencés par leur zone de captage, les ruisseaux sont un révélateur de l’état du paysage dont ils font partie. Autrement dit : tout paysage dispose de son type régional de ruisseau. En fonction des caractéristiques du paysage – en particulier les caractéristiques géologiques, le relief, l’altitude et le climat – les ruisseaux présentent des structures de cours d’eau et d’associations biologiques caractéristiques. Etant données les caractéristiques spécifiques des ruisseaux présents dans certains biotopes, il est possible de classer les ruisseaux en catégories régionales (voir Forschungs­gruppe Fließ­gewässer 1998).

    La région de Bade-Wurtemberg présentant une très grande richesse de paysages, elle comprend une grande diversité de types de ruisseaux régionaux. On différencie au total 11 types de paysages de ruisseaux avec des types régionaux de ruisseaux. Briem (1999) a décrit les structures morphologiques de ces types de cours d’eau, en particulier à des niveaux d’échelle plus élevés.

    L’importance des petits cours d’eau en milieu forestier

    Les cours d’eau – un système linéaire en réseau intégré dans nos paysages

    Les cours d’eau naturels offrent généralement une continuité biologique suffisante : les êtres vivants sont en mesure de migrer sans obstacles. Ce critère de continuité n’est pas seulement important pour les espèces piscicoles, mais aussi pour les microorganismes aquatiques. La continuité biologique est une condition préalable pour un fonctionnement approprié du système en réseau « cours d’eau ».

    Le fait que la continuité biologique ne soit pas suffisante sur tous les cours d’eau en paysage ouvert, et encore moins en zone habitée, n’est pas une nouveauté. Il est par contre surprenant de constater que la continuité biologique des cours d’eau en milieu forestier n’est pas non plus garantie.

    Les cours d’eau – axes de vie au sein d’un paysage

    Les cours d’eau et le réseau fin et étendu qu’ils constituent, sont un des principaux éléments de mise en réseau de nos paysages. Encourager ou restaurer une telle fonction apparaît d’autant plus comme une urgence que le paysage est fragmenté et divisé en zones fonctionnelles isolées (cf. § 31 BnatschG, loi fédérale sur la protection de l’environnement).

    Depuis toujours, les cours d’eau remplissent des fonctions importantes et indispensables de mise en réseau : dans les paysages naturels dominés par les forêts, les cours d’eau, ainsi que les forêts alluviales qui les accompagnent, constituent d’importants couloirs de migration et de diffusion des espèces.

    Pour assurer une bonne conservation de la fonction de réseau des petits cours d’eau en milieu forestier il faut avant tout respecter les principes suivants : les cours d’eau et leur forêt alluviale sont à considérer comme un tout, un ensemble cohérent. Ils constituent un biotope qui traverse les zones forestières, tel un ruban naturel dans sa composition et sa structure. Afin d’atteindre cet objectif, Bönecke (2004) fait une proposition concrète.

    Ruisseaux proches de l’état naturel en milieu forestier – refuges d’espèces et associations biologiques menacées

    Les ruisseaux proches de l’état naturel en milieu forestier sont très souvent des biotopes importants pour les espèces animales et végétales hautement menacées. Ne serait-ce que pour cette raison, les cours d’eau proches de l’état naturel en milieu forestier revêtent une importance toute particulière pour la protection des espèces et des biotopes.

    Les ruisseaux forestiers sont tout à la fois le refuge d’espèces rares et menacées et des centres de prolifération et de nouveau peuplement des cours d’eau revenus à un état proche du naturel.

    Les ruisseaux proches de l’état naturel en milieu forestier et la prévention contre les crues

    Lorsque l’on parle de mesures de protection contre les crues, il ne s’agit pas seulement de creuser des polders sur les berges des grands fleuves : il convient d’agir là où les écoulements se créent. Il s’agit donc de traiter également les innombrables petits cours d’eau. En revenant en quelques sorte à l’origine du phénomène, on est en mesure d’utiliser les possibilités naturelles de réduire et de différer l’écoulement de surface et réguler les crues.

    En outre, le milieu forestier, à l’inverse des paysages ouverts, offre un grand nombre de possibilités :

    1. Conservation et développement d’une forêt proche de l’état naturel.
      La forêt proche de l’état naturel est le seul type de végétation qui exerce une telle fonction régulatrice sur les ressources en eau (fort niveau d’évaporation, faible écoulement de surface).
    2. Protection et développement des cours d’eau proches de l’état naturel
      Favoriser la formation de structures irrégulières dans le lit des cours d’eau, par exemple en tolérant la présence de bois mort. Ceci permet de freiner l’écoulement et d’encourager un débordement des quantités résiduelles d’eau vers les surfaces avoisinantes, à savoir la forêt alluviale voisine.
    3. Protection et développement d’une forêt alluviale proche de l’état naturel à proximité des cours d’eau
      Ces forêts alluviales ont une fonction importante pour les crues plus ou moins importantes et participent au ralentissement de l’écoulement.

    Un seul petit ruisseau forestier, accompagné d’une étroite lisière de forêt alluviale peut être optimisé selon les critères cités, sans que cela apporte toutefois des effets spectaculaires. Mais si de nombreux petits ruisseaux forestiers, couvrant un linéaire de plusieurs milliers de kilomètres sont traités, ainsi que leurs forêts alluviales, les effets seront nettement plus marqués.

    C’est là que réside un énorme potentiel jusqu'à présent inexploité et qui pourrait permettre de remédier à un certain nombre de problèmes, grâce à un développement judicieux des cours d’eau et des forêts alluviales. Ainsi, la gestion des cours d’eau en milieu forestier pourrait apporter un concours non négligeable à la prévention des crues. Dans une époque où le réchauffement climatique semble s’annoncer, force est de constater que ces mesures sont plus urgentes que jamais.

    Les ruisseaux de montagne proches de l’état naturel – des exemples concrets pour le développement des cours d’eau

    Sans une connaissance approfondie des structures et associations biologiques des cours d’eau proches de l’état naturel, il n’est pas possible d’évaluer correctement l’état des cours d’eau dégradés, il n’est pas non plus possible de planifier efficacement leur « renaturation »

    Et c’est précisément sur les rares cours d’eau proches de l’état naturel subsistant en milieu forestier que nous sommes en mesure d’acquérir aujourd'hui les connaissances nécessaires à ce type d’action.

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