Fig. 1 - Pour les reptiles comme la vipère aspic (en haut) ou la coronelle lisse (en bas), les habitats adéquats se raréfient. Pour cette raison, de nombreuses espèces sont menacées. Cliquer pour agrandir.

Les reptiles sont des animaux à sang froid. Cela signifie qu’ils ont besoin d’énergie solaire pour réguler leur température corporelle, dont l’optimum chez les reptiles
indigènes se situe entre 25° C et 32° C. Lorsqu’il fait trop froid, l’ensemble de leurs fonctions vitales ralentit; ils deviennent peu mobiles et se nourrissent moins. Les reptiles sont donc inféodés à des milieux ensoleillés. Les forêts clairesconstituent donc l’un des habitats primaires les plus importants de nos reptiles indigènes.

Les pinèdes et chênaies (fig. 2), ainsi que les boisements clairsemés en marge de marais offrent des habitats de bonne qualité permanente. Dans ces sites, l’aridité ou la maigreur des sols empêchent les arbres de croître et de refermer la canopée. Les forêts alluviales de bois tendre, régulièrement inondées par les crues, présentent de larges ouvertures dans les peuplements qui permettent aux rayons du soleil d’atteindre le sol.

En montagne, ce sont les affleurements rocheux exposés au soleil, les éboulis (fig. 6), les anciens éboulements stabilisés et embroussaillés, les accumulations pierreuses le long des torrents ainsi que les couloirs à avalanches qui sont particulièrement attractifs pour les reptiles.

Les lisières structurées – un paradis

Les reptiles sont bien adaptés au climat de nos régions. Comme leur température corporelle dépend des conditions extérieures, les serpents et lézards sont capables de réguler leurs dépenses énergétiques. C’est l’une des raisons pour lesquelles ils ne consomment, relativement à leur masse, que peu de nourriture et sont capables d’hiberner durant plusieurs mois.

En ce qui concerne leurs habitats en revanche, les reptiles sont des animaux exigeants. Outre un ensoleillement suffisant, les serpents et lézards ont besoin d’une certaine couverture herbacée et buissonnante pour se protéger contre les rapaces et autres prédateurs. La présence de refuges à l’abri du gel est également fondamentale pour passer la nuit, les périodes de mauvais temps et la mauvaise saison

Les lisières à la fois structurées et bien exposées remplissent bien ces conditions, en particulier lorsque des petites structures (murgiers ou murs de pierres sèches)y sont encore présentes. Les rémanents de coupe et autres tas de bois augmentent également la valeur de ces milieux pour les reptiles (fig. 3). Une visite par temps chaud (mais pas caniculaire) le long d’un manteau buissonnant ou d’un ourlet herbacé offre de bonne chance d’observer des orvets, des lézards, voire même des serpents.

Les lisières forestières internes, lorsqu’elles sont suffisamment ensoleillées, offrent également des habitats aux reptiles. Les talus embroussaillés sur des enrochements ou des gabions (fig. 4) sont particulièrement appréciés. La présence de nombreux petits interstices offrant des refuges y est déterminante.

Une dynamique forestière favorable aux reptiles

La forêt suisse croît essentiellement sur des sols riches permettant naturellement l’apparition de peuplements denses et ombragés. Dans ces forêts, peu de rayons solaires atteignent le sol en été. Les reptiles y sont donc rares et n’apparaissent qu’à l’occasion de perturbations de grande ampleur mettant en lumière d’importantes surfaces (chablis, crues ou avalanches). Les ouragans comme Lothar, en 1999, représentent donc des bénédictions pour ces animaux à sang froid. De nombreuses surfaces versées par la tempête il y a maintenant 12 ans constituent aujourd’hui encore des habitats de choix pour les reptiles (fig. 5).

Il n’y a toutefois pas que des événements naturels qui peuvent apporter de la lumière au sol. La sylviculture peut avoir un effet similaire. Il importe peu pour les orvets, lézards vivipares et couleuvres à collier de savoir par quel mécanisme leurs sites d’insolation sont apparus. Une coupe forestière de grande ampleur leur convient également, en particulier lorsque des gros branchages et souches sont abandonnés ici et là. Les tas de rémanents de coupe sont particulièrement appréciés puisqu’ils offrent à la fois des lieux d’insolation et un refuge contre les prédateurs.

On peut conclure de ce qui précède que toutes formes de forêts permanentes ne sont pas propices aux reptiles. Il en va de même pour les réserves forestières naturelles dès lors qu’aucune dynamique naturelle (crues, avalanche ou éboulis) n’y crée régulièrement des ouvertures ensoleillées.

De plus en plus à l’étroit

Les défrichements du Moyen Age ont largement favorisé les reptiles en Europe. Le maintien d’une exploitation agricole extensive caractérisée par de nombreuses haies d’épineux et tas d’épierrages, ainsi que la construction de nombreux murs de pierres sèches ont permis à de nombreux reptiles de s’étendre. Les reptiles ont donc longuement profité de l’importante demande en bois de feu et de bois d’oeuvre.

L’intensification des pratiques agricoles et l’avance de la forêt sur les pâturages d’altitude abandonnés ont contribué à diminuer la qualité des habitats pour les reptiles au cours du siècle passé. Les surfaces agricoles nettoyées des structures refuges, engraissées et travaillées mécaniquement n’offrent plus les conditions minimales pour la survie des reptiles (fig. 7). Les emplacements ensoleillés ne sont pas seulement recherchés par les serpents et lézards, mais également par les constructeurs de villas familiales (fig. 8). L’intensification de l’utilisation du territoire étant à la base du déclin de nos reptiles indigènes, le rôle de la forêt comme habitat naturel s’en trouve fortement renforcé.

La dynamique forestière indispensable aux reptiles est souvent interrompue: les pare-avalanches protègent des coulées, les corrections fluviales réduisent les crues, et les filets de protection retiennent les éboulements. Ces aménagements régulateurs des perturbations naturelles réduisent drastiquement les habitats adéquats pour les reptiles quand ils ne les font pas simplement disparaître.

A cela s’ajoute le fait que les forêts suisses sont, depuis quelques décennies, moins intensivement exploitées que par le passé. Les boisements se referment donc naturellement, et l’ombre portée au sol diminue la qualité des peuplements pour les reptiles. En conséquence, les quatre cinquièmes des reptiles indigènes sont aujourd’hui menacés et inscrits sur la liste rouge.

Sylviculture et protection des reptiles

Quelques mesures simples suffisent pourtant à protéger les reptiles en forêt. Chaque coupe amène de la lumière au sol et favorise directement les serpents et lézards (fig. 9). Il est toutefois important de disposer les rémanents de coupe en tas et de maintenir une importante quantité de bois mort. Dans les forêts de plaine, il est important de maintenir un mélange dominé par les feuillus, afin de garantir un ensoleillement printanier maximal. Comme de nombreux reptiles hivernent en forêt, il est particulièrement important que l’insolation soit maximale après leur repos hivernal.

Les coupes de mise en lumière à proximité de populations connues de reptile (éboulements, surfaces inondables, éboulis, murs de pierres sèches, murgiers et ruines) sont les plus efficaces. Les services cantonaux de protection de la nature ainsi que le Centre de coordination pour la protection des amphibiens et des reptiles de Suisse (karch) peuvent vous fournir des informations sur les milieux présentant le meilleur potentiel dans votre région. Le karch peut également fournir des conseils en matière d’aménagement en faveur des reptiles.

Les serpents venimeux en Suisse

Il existe deux espèces de serpents venimeux en Suisse: la vipère péliade et la vipère aspic (fig. 1). Toutes deux sont distribuées dans les Alpes et ponctuellement dans le Jura. Malgré la toxicité de leur venin, ces reptiles indigènes sont en grande partie inoffensifs en raison de leur peur de l’homme qui les incite à le fuir. Un serpent immobile compte sur son camouflage pour passer inaperçu. Si on ne les dérange pas, les vipères péliade et aspic ne mordent pas. Les serpents étant souvent cachés dans la végétation, les dangers proviennent d’activité comme la cueillette de fleurs ou de baies ou les promenades à pieds nus. En cas de morsure, il faut tout d’abord conserver son calme. Les vipères n’injectent pas toujours du venin en mordant, et les conséquences d’une morsure prise en charge rapidement à l’hôpital sont souvent minimes.

Serpents venimeux – comment réagir? (PDF)

Traduction: Jérôme Pellet, Karch