Depuis quinze ans, des forestiers tentent d’enrichir les forêts de plaine autour d’Yverdon au moyen d’une essence précieuse entre toutes: le noyer. Car la valorisation du patrimoine de production leur tient à coeur. En 2008, année internationale du noyer, le garde forestier Christian Favre fut chargé de vérifier, sur 39 ha de reboisements, l’évolution de ces plantations. Aujourd’hui, au regard de la grande rectitude et de la verticalité des jeunes perches de noyer, qu’il sera possible d’exploiter dans près d’une quarantaine d’années seulement, la confiance est de mise. L’étude du garde forestier vaudois – dont voici une synthèse –, donne une idée du chemin parcouru.

Le noyer fait partie intégrante du décor de nos campagnes à tel point qu’on ne le remarque plus guère. Il a pourtant sa place dans la plupart des foyers, que cela soit sous forme de meuble ou d’un arbre au fond du verger. Exigeant en lumière, en soins et en suivi, le noyer est toutefois moins fréquent en forêt. De plus, il est sensible aux variations climatiques. En échange, cet arbre «précieux» offre ses lettres de noblesse aux sylviculteurs, artisans et industriels puis aux objets fabriqués, en bois massif ou en contreplaqué.

Origine du projet

Constatant sa disparition progressive du décor agraire et convaincus de son potentiel de haute valeur ajoutée sur une durée assez courte – environ soixante ans –, les forestiers projetèrent d’enrichir les massifs forestiers par du noyer. But du projet: produire annuellement et durablement 150 m3 de billes de qualité de 6 m de long et de 60 cm de diamètre.

Entamée au début des années nonante, la réflexion se concrétise en 1993 par les premières plantations. Alors, les pépiniéristes ainsi que les spécialistes de la culture du noyer à bois étaient plutôt rares en Suisse. Un appui technique fut sollicité auprès de spécialistes de l’Institut pour le développement forestier France IDF (J. Becquey) et des contacts furent pris avec le Fonds national de recherche sur la neige et le paysage FNP (Andreas Zingg). De plus, en 1991, 1998, 2000 et 2006, les forestiers suivirent plusieurs formations. L’acquisition et le partage des expériences les aidèrent à mieux comprendre les exigences de l’arbre, à définir les terrains et les gestes favorables avec plus de précision.

Du recensement...

Les travaux commencèrent par un recensement et une visite de toutes les plantations. Si la plupart d’entre elles sont une réussite, d’autres échouèrent en raison de la concurrence féroce de la végétation, du sol mal drainé ou de la corne du gibier. Sur les 39 ha, quatre sont plantés en noyers noirs, 29 en hybrides, un en commun et cinq en noyers divers.

... à l’inventaire

Nous avons opté pour un inventaire par échantillonnage à raison d’une placette circulaire de 95 m2 par hectare, ce qui était suffisant pour nous assurer des résultats fiables.

Certaines placettes permettront un suivi individuel des noyers. Signalées sur le terrain par un piquet numéroté, elles ont été choisies essentiellement pour leur facilité d’accès. En effet, celles-ci sont aussi destinées à permettre un suivi scientifique plus poussé. Ces placettes figureront dans le répertoire du réseau des sylviculteurs de la communauté du peuplier et des bois précieux (CPP) et les données seront mises à jour à chaque inventaire. En outre, chaque noyer est mesuré, numéroté et cartographié:

Résumé de l’inventaire
Nombre de placettes relevées:
Nombre de tiges mesurées:
Plus petit diamètre à 1,3 m (dhp):
Plus grand dhp:
Densité la plus forte:
39
310
1 cm
32 cm
29 tiges/placette

 

Comment analyser les résultats?

L’inventaire est pratiqué afin de donner une image précise de la forêt. Il est généralement effectué tous les dix à quinze ans, ce qui permet de cerner l’évolution des boisements tant au niveau des hauteurs, des diamètres que des volumes. Dans notre cas, l’inventaire établi en 2008 est le premier depuis les premières plantations. C’est donc en se référant à l’année de plantation que les calculs d’accroissement en diamètre et en hauteur ont été réalisés.

Grâce à la mesure des cernes sur plusieurs jeunes noyers dominants abattus, il fut possible de tracer une courbe de croissance idéale. L’inventaire a montré que plus de 80% des noyers de dix ans et moins avaient atteint ou dépassé le diamètre idéal. C’est le gage d’une réussite du projet, du moins sur le plan quantitatif.

Aujourd’hui, la situation montre que les objectifs intermédiaires sont atteints. Le projet n’a qu’un faible impact sur l’ensemble des forêts de production de la région, car il n’occupe qu’environ 6% de la surface de forêts de production. Selon les indicateurs pris en compte ci-dessus, les résultats de l’inventaire et leur analyse, la production soutenue de 150 m3 par an de billes de qualité dans la région est un objectif réalisable.

Objectif réalisé (situstion intermédiaire) ?

Indicateurs quantitatifsIdéal sur quinze ansInventaire 2008

Surface totale de noyers plantés

Rythme annuel de plantation

Accroissement: % âge de tiges ayant atteint
un diamètre suffisant à 10 ans

32 ha

2 ha

39 ha

2,6 ha

> 80% des tiges

Indicateurs qualitatifs  

Verticalité, rectitude: % de tiges d’excellente qualité

Elagage des tiges: de > 20 cm de diamètre à 4 m

80%

100%

90%

78%

Objectif qualité

Du choix des plants et du terrain aux dernières opérations d’entretien, la qualité des futures billes est le critère qui oriente le forestier lors de toutes les étapes de son travail. Les deux premières années après la mise en terre, un soin tout particulier est apporté à la formation de la tige et à sa protection contre la dent du gibier, puis c’est la symétrie de la couronne et enfin le «toilettage des fûts» qui guident le sécateur et la scie d’élagage du sylviculteur.

La période durant laquelle ces travaux sont accomplis a aussi son importance. Ainsi, et pour favoriser une bonne et rapide cicatrisation, l’élagage se pratique en juin par lune montante.

Si l’on veut obtenir un arbre adulte cylindrique et vertical, les interventions sur les arbres d’accompagnement sont tout aussi importantes que celles pratiquées sur les noyers eux-mêmes.

Tout au long de la croissance, le réglage de la hauteur et de la densité des essences dites d’accompagnement exige un sens aigu de l’observation et de la rigueur. En effet, le trop ou le trop peu pourrait avoir de fâcheuses conséquences sur la croissance en hauteur, sur la rectitude comme sur l’épaisseur des branches. N’oublions pas que le noyer supporte mal la concurrence et qu’il exige toujours un plein ensoleillement pour croître rapidement et produire du bois de qualité.

En conclusion

La démarche et les buts fixés à long terme ne sont donc pas une utopie. Si le réalisme du projet est bien réel, les exigences requises qui en découlent le sont aussi. Il faudra beaucoup de détermination pour assurer le suivi et la transmission du projet aux successeurs jusqu’à la première récolte vers 2040...

La Communauté du peuplier et des bois précieux (CPP)

La CPP est née en 1955. Quarante ans plus tard, son rôle et ses activités ont été redéfinis. La CPP est aujourd’hui présidée par Jean-Philippe Mayland.

www.cpp-apw.com