Comment les arbres réagissent-ils aux températures et aux précipitations?

Si les évènements qui influencent la croissance à court terme (comme la sécheresse) se retrouvent dans les analyses de tige et les carottes de sondage, l’observation continue de la circonférence de l’arbre au moyen d’instruments de mesure électroniques (dendromètres) donne des résultats encore plus détaillés. Les premières conclusions des études montrent que la ressource en eau (précipitations ou réserves souterraines) est déterminante au moment de la période cruciale de croissance, c’est-à-dire entre avril et juillet.

Analyse des cernes

La croissance moyenne à long terme des différents arbres est considérablement influencée par la génétique, la concurrence et le traitement du peuplement, la station et le climat. En revanche, la variation de croissance à court terme, d’une année sur l’autre, est soumise avant tout aux intempéries et peut être réduite sous l’influence de dégâts biotiques. Même au cours des années de semence, il est possible d’observer une nette réduction de la performance de croissance. Au cours des dernières décennies, l’inventaire forestier réalisé en Autriche a permis d’obtenir et d’analyser des carottes de sondage.

La comparaison des séries de cernes de nombreux arbres montre que, pour chaque année distincte, l’augmentation ou la diminution de la largeur des cernes est similaire. Ces modèles de cernes, révélant des «années caractéristiques» positives ou négatives, apparaissent lorsque la croissance du bois dépend moins des conditions d’existence individuelles d’un arbre que des intempéries qui régissent la région.

Dans la figure 2, les années 1913, 1948 et 1976 sont des exemples d’années caractéristiques négatives. L’année 1976 a été marquée par une période de sécheresse qui a touché toute l’Europe au moment de la transition entre le printemps et l’été, ce qui a entraîné une nette réduction de croissance dans de vastes régions d’Europe centrale. Mais les arbres n’ont pas du tout été frappés de la même façon: si les zones de plaine ont enregistré de nettes réductions de croissance, celles d’altitude ont présenté une légère hausse. De toute évidence, les arbres peuplant les étages haut montagnards à subalpins ont profité des températures supérieures à la moyenne en juin et juillet tandis que la période sèche de fin mai à début juillet n’a pas eu d’impact sur ces régions. Il est probable qu’ils aient bénéficié de l’humidité du sol laissée par l’hiver, qui a empêché le stress hydrique. Par contre, à basse altitude, la hausse des températures n’a eu aucun effet positif et la période sèche est intervenue précisément au moment de plus forte croissance et donc du plus fort besoin en eau.

Mesures permanentes

La mesure permanente de la circonférence des arbres au moyen de dendromètres permet de gagner beaucoup de temps. C’est l’une des spécialités de l’Institut de sylviculture et de croissance forestière du BFW, en collaboration avec l’Institut d’écologie forestière et du sol. Le processus de mesure est tellement précis qu’il est possible d’observer la dilatation et la contraction du bois sur une journée et de les interpréter à l’aide des données fournies par les stations climatiques et les mesures de teneur en eau du sol.

En 2002, des dendromètres ont été installés sur plusieurs arbres situés sur deux surfaces d’observation permanente. Simultanément, l’humidité et la température ont été mesurées dans plusieurs dépressions du sol situées à proximité de ces arbres. L’une des surfaces expérimentales se trouve à 1600 m d’altitude, près de Murau en Styrie tandis que l’autre fait partie de la région du Wienerwald, entre 450 et 500 m d’altitude.

Voici tout d’abord une brève description climatique des quatre années d’observation (source: ZAMG, Institut central de météorologie et de géodynamique, Vienne): globalement, 2002 a été une année très chaude pour de vastes régions de l’Autriche, avec des volumes de précipitations supérieurs à la moyenne. Dans l’ensemble, 2003 a été une année plus chaude que la moyenne, avec des précipitations inférieures à la moyenne dans de nombreuses régions autrichiennes. L’année 2004 a connu des conditions de précipitations variées, avec des températures normales à légèrement supérieures à la normale. 2005 a également connu des conditions de précipitations variées et affiché des températures légèrement inférieures à la moyenne. Les caractéristiques d’une année s’appliquent également à la période de croissance. Seule l’année 2003 a été extrêmement sèche et chaude, alors que 2002 a été certes un peu plus chaude que 2003 mais a reçu suffisamment de précipitations. En 2003, les mois de juin et d’août ont été extrêmement arides, ce qui n’a fait que conforter la situation après un printemps tout aussi sec.

Réactions du hêtre

Selon les premières évaluations (figure 3), la circonférence du hêtre commence à augmenter chaque année vers la fin avril début mai, puis l’arbre traverse une période de développement de trois mois environ. Vers la fin août, la croissance radiale est terminée. Des processus de dilatation et de contraction peuvent être observés en plein été, en fonction des précipitations et des réserves hydriques souterraines disponibles. C’est surtout après les pluies d’été que le gonflement des troncs est le plus net. En automne, les diamètres restent relativement constants tandis que de fortes variations s’observent en hiver, les valeurs minimales étant atteintes en période de gel.

L’année de sécheresse 2003 s’écarte de ce modèle: l’épaississement du tronc se termine plus tôt et la dilatation et la contraction estivales sont très marquées. La croissance moyenne annuelle de la circonférence est de 9 mm environ au cours des quatre années, ce qui correspond à une augmentation de diamètre d’environ 3 mm par an.

L’épicéa réagit un peu différemment

En principe, l’épicéa réagit de façon similaire mais l’année 2003 se démarque par rapport à toutes les autres. En effet, la performance de croissance y est nettement plus faible et ne représente qu’un tiers à un quart de la normale. La croissance annuelle du diamètre commence un peu plus tôt que chez le hêtre et la période estivale de forte dilatation et contraction est un peu plus marquée. Malgré une progression particulièrement faible en 2003, 1 mm seulement, la croissance globale du diamètre au cours des quatre années atteint 16 mm.

Un détail intéressant concernant les mois de mai et juin 2003: malgré quelques précipitations, la teneur en eau du sol diminue presque régulièrement et atteint début juin des valeurs apparemment critiques, puisque la croissance est largement suspendue. Les journées légèrement plus humides de la mi-juin ne suffisent pas à favoriser un développement substantiel alors qu’au cours des autres années, juin était le mois de plus forte croissance.

Le changement climatique sonne-t-il le glas de l’épicéa?

La comparaison entre le hêtre et l’épicéa indique que ce dernier est plus sensible à la sécheresse. Il faut donc conclure à une augmentation du risque d’exploitation de l’épicéa dans les régions limitrophes où le climat est critique ainsi qu’à basse altitude. Étant donné que les dégâts biotiques renforcent considérablement ce risque, il est indispensable de le réduire le plus possible par des mesures sylvicoles (diminution de l’exposition générale aux dégâts, renforcement de la vitalité de chaque arbre et mesures d’hygiène forestière). Le fait d’accorder une attention accrue aux essences mélangées correctement appropriées à la station peut encore diminuer le risque. Cependant, il ne semble pas nécessaire d’abandonner complètement l’épicéa en tant qu’essence principale de production lorsqu’il se trouve dans son milieu d’origine, en altitude.

Traduction : Stéphanie Rüling-Moreau