Auteur(s): | Gauthier Ligot (Gembloux Agro-Bio Tech), Hugues Claessens (Gembloux Agro-Bio Tech), Olivier Baudry, Quentin Ponette (Université Catholique de Louvain) |
Rédaction: | WSL, Suisse |
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Évaluation: |
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Au vu des nombreux services que rend le chêne sessile au sein de la hêtraie ardennaise (diversification des produits, biodiversité associée, augmentation de l’éclairement, stimulation du cycle des éléments, souplesse accrue face aux changements climatiques), il est d’un grand intérêt de favoriser activement sa présence au sein des peuplements. Malheureusement, sa régénération est délicate car les glandées massives sont erratiques et les semis plus appétants et moins compétitifs dans le sous-bois que ceux du hêtre.
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Fig. 1 - Pour croître de
façon optimale, les semis de chêne ont besoin de deux fois plus d’éclairement que les semis de hêtre. Photo: G. Timal |
Des
expérimentations ont été menées en forêt dans le cadre de deux dissertations pour mieux comprendre le comportement
relatif du chêne et du hêtre et en tirer des recommandations pour la gestion
forestière. Les recherches se sont focalisées sur l’impact de la lumière
disponible sous le couvert sur la survie et la croissance des semis des deux
espèces.
D’une part, quatre sites ont été équipés d’ombrières pour contrôler l’intensité et la qualité lumineuse et d’autre part, le développement des semis a été suivi dans vingt-sept sites représentant diverses conditions de structure et de composition de la hêtraie-chênaie ardennaise. Grâce à ces deux études, des dizaines de milliers de données permettant la caractérisation de la lumière, des arbres de la futaie et des semis ont ainsi été récoltées durant plusieurs années.
Les résultats indiquent que:
L’avantage compétitif
du hêtre sur le chêne est donc double: tant la survie que la croissance sont
supérieures sous des couverts refermés. Naturellement, il est donc très peu
probable que le mélange chêne-hêtre se maintienne au cours du temps sans
intervention humaine ou sans perturbation de grande ampleur. La coexistence
actuelle de ces deux espèces dans nos peuplements est avant tout le résultat
d’anciennes pratiques sylvicoles.
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Fig. 2 - Simulation de différentes modalités d’éclaircies (rond rouge: chêne; rond bleu: hêtre) et de leur résultat en termes de proportion de la surface favorable au développement des semis de chêne. Les couleurs des courbes font référence aux couleurs des modalités d’éclaircies. |
Pour
régénérer naturellement le chêne, les interventions doivent donc passer
simultanément par une mise en lumière adéquate (coupes partielles, trouées de
régénération), et par une gestion stricte de la compétition du hêtre sur le
chêne (cassage, dégagement des chênes dans les régénérations mixtes). La mise
en lumière adéquate des semis reste une tâche délicate pour le forestier. À
l’aide de simulations, les chercheurs ont démontré que le gain d’éclairement ne
dépend pas uniquement de l’intensité d’éclaircie mais également du type
d’éclaircie.
En particulier, la création de trouées (surface voisine de 5 ares), permet d’augmenter très fortement l’éclairement transmis au sous-bois, sans mettre en péril les semis par le développement trop important de ronces ou de fougères. En outre, les coupes par le bas, qui prélèvent préférentiellement les plus petits arbres (charme et hêtre essentiellement), augmentent plus fortement l’éclairement transmis que les coupes par le haut qui prélèvent préférentiellement les plus gros arbres.
Ces études démontrent qu’il est possible, dans un contexte où la pression de gibier est contrôlée, de régénérer les chênes en forêt ardennaise à condition de suivre les «trois commandements du sylviculteur de chêne»:
Ensuite, après cette phase de sauvetage, le sylviculteur continuera de libérer progressivement les semis au fur et à mesure de leur croissance, selon le chemin qu’il aura choisi, soit en agrandissant les trouées, soit en continuant ses coupes progressives.
D’un point de vue
organisationnel, le suivi de ces recommandations nécessite de s’appuyer sur des
aménagements forestiers souples, permettant de réagir instantanément à la
dynamique propre à la forêt et de suivre annuellement le devenir des collectifs
en régénération.