Depuis sa réintroduction en Suisse, le castor apporte dans nos cours d’eau une dynamique nouvelle, que l’homme avait supprimée pendant plus d’un siècle. En barrant des cours d’eau, en créant des étangs, en maintenant la végétation à découvert et en activant la production de bois mort, ce rongeur donne naissance à un ensemble de structures et d‘habitats dont d’autres espèces animales et végétales profitent aussi, y compris des espèces rares.

Le castor hier et aujourd’hui

Le castor avait disparu de Suisse au XIXe siècle. Auparavant, on le chassait surtout pour sa fourrure épaisse et les vertus médicales prêtées au castoréum (une sécrétion de ses glandes anales). L’Eglise catholique l’ayant assimilé au poisson à cause de sa queue écailleuse, on en mangeait aussi pendant le carême. Plusieurs villages comme Biberbrugg ou Biberist doivent leur nom à la présence ancienne du castor.

Les castors suisses actuels descendent des 141 individus relâchés entre 1956 et 1972. En 1962, ils ont été mis sous protection. Depuis 1996, ils figurent sur la liste rouge des espèces menacées. Une série de lois et ordonnances fédérales protègent aussi les habitats des castors et leurs ouvrages.

La répartition actuelle des castors est limitée aux basses terres. 90 à 95 % des animaux vivent à des altitudes comprises entre 400 et 500 m au-dessus du niveau de la mer.

Un hôte peu visible

Actifs surtout de nuit et au crépuscule, les castors se reposent le jour dans leur hutte et sont donc rarement visibles. Mais on observe de nombreux signes de leur présence: leurs huttes et terriers, les troncs rongés de manière caractéristique, les arbres qui jonchent le sol et don’t ils ont rongé l’écorce, leurs provisions pour l’hiver (branches sur l’eau), leurs coulées (sentiers), leurs barrages, leurs empreintes, les petites buttes qu’ils ont enduites de castoréum pour marquer leur territoire sont autant de preuves qu’une famille de castors habite les parages.

Pendant longtemps, leur population a peiné à progresser, note Christof Angst, du Service conseil castor, mandaté par l’Office fédéral de l’environnement pour mener, avec le concours de volontaires, un recensement national pendant l’hiver 2007-2008. Celui-ci a montré que le nombre des castors augmente fortement depuis le milieu des années 1990. La Suisse en compte actuellement quelque 1600, répartis sur 472 territoires bien reliés entre eux. Alors qu’en 1993 ils n’avaient colonisé que 280 km de cours d’eau, en 2008 ils en étaient à 1400 km. Au début, ils se concentraient sur les fleuves ou les rivières importantes: Aar, Rhin, Rhône, Thur. Ensuite, ils ont colonisé aussi les affluents traversant des terres cultivées lorsqu’ils ne comportaient pas d’obstacles tels que des barrages, des digues ou des passages sous tuyau.

Le bois pour se nourrir

Le castor a besoin de cours d’eau lents et de rives où il puisse creuser des terriers et chercher sa nourriture. Ces conditions se rencontrent surtout sur des rives non aménagées et proches de l’état naturel, dans des zones alluviales et au bord des lacs, au-dessous de 700 m. Des cours d’eau de plus haute altitude, trop rapides, trop en pente ou à lit caillouteux ne font pas son affaire, ni des eaux de basse altitude où il ne peut rien faire contre des crues subites et fortes.

Il se cantonne en général dans une bande d’une vingtaine de mètres le long du cours d’eau pour chercher sa nourriture et ses matériaux de construction. Sa méthode de récolte du bois rappelle le régime de la coupe progressive. Il choisit de petites surfaces où il exploite la forêt de manière intensive et l’éclaircit. L’hiver suivant, il fait de même dans une autre partie de son territoire. De cette façon, la végétation peut chaque fois se régénérer. Mais les castors ne sont cependant pas seulement des abatteurs d’arbres. Ils contribuent aussi à l’extension de la zone boisée en transportant du matériel végétal ou en abattant des saules, qui donnent des rejets à l’endroit où ils sont tombés.

Il est rare que les castors trouvent une végétation riveraine encore proche de l’état naturel. Si la composition est trop artificielle, les rares arbres dont la présence est naturelle risquent d’être complètement «victimes» du castor. Mais s’il trouve un ourlet riverain large et bien structuré, ses dégâts seront à peine visibles. C’est ce qui fait dire au spécialiste bavarois Ulrich Messlinger que le castor est un bon indicateur d’une utilisation fautive des berges. En effet, des plantations de sapins de Noël juste au bord de l’eau ne correspondent certainement pas à une végétation naturelle.

La dimension des territoires est souvent liée à la qualité des habitats. C’est aussi le cas du castor. Là où une nourriture naturelle est présente en suffisance, il se contente d’une longueur de berges plus courte que dans des régions où l’offre est plus rare. Quand le territoire est épuisé, les animaux émigrent et les bois tendres dont ils se nourrissaient peuvent reprendre leur développement, quitte à être à nouveau «exploités» si le rongeur revient quelques années plus tard. Le plus grand potentiel de conflits entre le castor et l’homme se trouve donc dans des habitats sous-optimaux. Mais il devient toujours plus difficile pour le castor de trouver de nouveaux territoires peu conflictuels.

Le castor a besoin de cours d’eau lents et de rives où il puisse creuser des terriers et chercher sa nourriture. Ces conditions se rencontrent surtout sur des rives non aménagées et proches de l’état naturel, dans des zones alluviales et au bord des lacs, au-dessous de 700 m. Des cours d’eau de plus haute altitude, trop rapides, trop en pente ou à lit caillouteux ne font pas son affaire, ni des eaux de basse altitude où il ne peut rien faire contre des crues subites et fortes.

Il se cantonne en général dans une bande d’une vingtaine de mètres le long du cours d’eau pour chercher sa nourriture et ses matériaux de construction. Sa méthode de récolte du bois rappelle le régime de la coupe progressive. Il choisit de petites surfaces où il exploite la forêt de manière intensive et l’éclaircit. L’hiver suivant, il fait de même dans une autre partie de son territoire. De cette façon, la végétation peut chaque fois se régénérer. Mais les castors ne sont cependant pas seulement des abatteurs d’arbres. Ils contribuent aussi à l’extension de la zone boisée en transportant du matériel végétal ou en abattant des saules, qui donnent des rejets à l’endroit où ils sont tombés.

Il est rare que les castors trouvent une végétation riveraine encore proche de l’état naturel. Si la composition est trop artificielle, les rares arbres dont la présence est naturelle risquent d’être complètement «victimes» du castor. Mais s’il trouve un ourlet riverain large et bien structuré, ses dégâts seront à peine visibles. C’est ce qui fait dire au spécialiste bavarois Ulrich Messlinger que le castor est un bon indicateur d’une utilisation fautive des berges. En effet, des plantations de sapins de Noël juste au bord de l’eau ne correspondent certainement pas à une végétation naturelle.

La dimension des territoires est souvent liée à la qualité des habitats. C’est aussi le cas du castor. Là où une nourriture naturelle est présente en suffisance, il se contente d’une longueur de berges plus courte que dans des régions où l’offre est plus rare. Quand le territoire est épuisé, les animaux émigrent et les bois tendres dont ils se nourrissaient peuvent reprendre leur développement, quitte à être à nouveau «exploités» si le rongeur revient quelques années plus tard. Le plus grand potentiel de conflits entre le castor et l’homme se trouve donc dans des habitats sous-optimaux. Mais il devient toujours plus difficile pour le castor de trouver de nouveaux territoires peu conflictuels.

Avantages et inconvénients de la présence du castor

Sous l’angle de l’écologie et de la protection de la nature, le castor est très profitable. Il n’est guère d’autre espèce qui façonne son espace vital aussi fortement que le castor, avec ses terriers, ses barrages et les arbres qu’il abat. Il crée une dynamique nouvelle, qui sans lui ne pourrait apparaître qu’après des événements naturels extraordinaires tels qu’une crue, une tempête, des bris de neige ou un incendie de forêt.

La diversité des structures, des milieux aquatiques et des conditions de lumière créée par le castor correspond aux besoins d’un grand nombre d’espèces animales et végétales. Il en résulte avec le temps un accroissement notable de la biodiversité dans les eaux habitées par le castor. Il crée des îlots proches d’une nature sauvage au milieu du paysage cultivé. Les terriers qui causent des affaissements du sol, les arbres abattus, les hausses du niveau des ruisseaux ne gênent pas dans ces îlots, mais font problème dans les terres exploitées. Plus l’animal empiète sur les zones cultivées, plus il s’ensuit de conflits avec l’homme. Et cela quand bien même la plupart de ces conflits se produisent à une distance de moins de 10 m des rives. Christof Angst estime qu’une bande riveraine de 10 à 15 m de large suffit parfaitement pour minimiser ou éliminer ces conflits. Mais le problème est ici que 75% des surfaces agricoles comportent un chemin ou une route bordant directement un cours d’eau.

La dynamique et la variété des structures, de la lumière, de l'eau et des conditions d'écoulement créées par le castor répondent aux besoins d'habitat de nombreuses espèces végétales et animales. Ainsi, au fil du temps, la diversité des espèces dans les eaux de castors augmente considérablement. Grâce à la conception de son habitat, le castor permet le retour de la "nature sauvage" dans le paysage culturel fortement utilisé.

Coexister sans conflits, est-ce possible?

Les nuisances telles que les terriers creusés sous des routes ou des champs, les drainages bouchés ou les arbres rongés le long des chemins peuvent souvent être évitées par des mesures préventives:

  • Protéger les arbres de valeur au voisinage des territoires de castors, par exemple à l’aide d’un manchon grillage ou de l’enduit spécial Wöbra.
  • Entourer les champs de maïs ou de betteraves de clôtures électrifiées.
  • Empêcher l’animal de creuser sous les routes ou les berges, par exemple en adoptant une exploitation extensive pour la bande de terre au bord de l’eau en protégeant les berges par du treillis métallique, en plaçant des terriers artificiels.
  • Empêcher le détrempage des terrains avoisinants en installant un tuyau dans le barrage.
  • Achat de surfaces ou création de surfaces de compensation écologique le long de l’eau.
  • Plus d'espace pour les cours d'eau, afin qu'ils puissent remplir leur fonction écologique et ralentir efficacement les eaux en période de crue.

Si des dégâts sont néanmoins causes à des cultures agricoles ou sylvicoles, ils sont indemnisés par la Confédération et les cantons, à condition que des measures de prévention raisonnables aient été prises. En forêt, précise Christof Angst, les dégâts des castors occasionnent des coûts moins élevés qu’en terrain agricole. Exceptionnellement, s’ils causent des dégâts insupportables aux cultures ou aux forêts, la Confédération peut autoriser leur capture ou leur tir. En Bavière, où vivent actuellement 12 000 castors, on en élimine environ 500 par année pour éviter des conflits importants.

Le castor, moteur de la biodiversité

Lors de la journée d’information « Castor et biodiversité », organisée à Berne en décembre 2009 par l’OFEV et le Centre suisse de cartographie de la faune (CSCF) de Neuchâtel, Ulrich Messlinger a montré que les arbres pionniers s'étendent alors même qu’ils sont rongés par les castors. Dans leurs territoires, il a constaté un net accroissement de la biodiversité.

Pour de nombreuses espèces animales et végétales comme la rainette verte et certaines espèces de libellules ou de roseaux, seules les activités du castor avaient créé des biotopes appropriés. Les eaux riches en amphibiens et en poisons sont une source de nourriture pour la cigogne noire; le bois mort flottant offre des affûts pour le martin-pêcheur. Dans les petits cours d’eau, le castor semble avoir une grande importance notamment pour des espèces animales rares et donc pour la protection des espèces et des biotopes. Il réussit à créer des plans d’eau ouverts même dans des années extrêmement sèches, ce qui est important par exemple dans des régions où la proportion des pins est élevée, ceux-ci étant alors moins exposés aux attaques de bostryche.

Armin Peter, de l’EAWAG Kastanienbaum, a montré que le bois mort accumulé dans l’eau a des effets positifs sur la faune piscicole et augmente sa biodiversité: "wood is good". En effet, il crée des cachettes pour les poissons, atténue la concurrence intra et interspécifique et augmente non seulement le nombre des poissons mais aussi les effectifs d’espèces plus petites. Pour la revitalisation de cours d’eau, il faudrait donc utiliser davantage de bois mort comme protection des rives contre l’érosion et comme élément structurel dans l’eau, en prenant soin bien sûr de ne pas compromettre la sécurité en période de hautes eaux. Les castors se chargeront eux-mêmes gratuitement de cet apport de bois mort.

Le Fonds de renaturation du canton de Berne est aussi partisan de ces méthodes et soutient donc des projets tels que l’acquisition de terrains permettant une réinstallation du castor.

Il existe de nombreuses mesures techniques pour le développement local des cours d’eau, que Rolf-Jürgen Gebler, du bureau d’ingénieurs du même nom, a présentées lors de la journée d’information. Mais elles impliquent souvent des frais considérables et requièrent plus de cinquante ans pour que des cours d’eau rectifiés redeviennent naturels. Le castor, lui, y parvient plus vite, mieux et à meilleur prix, comme le montrent les travaux d’Ulrich Messlinger. D’autre part, la mise en réseau des biotopes des castors ouvre du même coup de bons corridors migratoires pour d’autres espèces animales, qui viennent ainsi coloniser à leur tour les petits cours d’eau et en augmenter la biodiversité.

La solution la plus durable, estiment Christof Angst et d’autres experts, est de laisser plus d’espace aux cours d’eau afin que puissent à nouveau se constituer des bandes riveraines de 10 à 15 m de large.

En Suisse, environ 1% des surfaces agricoles utiles suffiraient pour offrir un espace vital au castor tout en diminuant notablement le potentiel de conflits. Justement, ces bandes bordant les cours d’eau perdent actuellement de leur valeur agricole ou sylvicole étant donné l’augmentation de la fréquence des crues qui en renchérit l’entretien. Autant donc laisser ces zones à la nature et au castor.

Particularité du castor et de son mode de vie

  • Les castors sont les plus grands rongeurs d’Europe et sont entièrement végétariens.
  • Les couples restent unis toute la vie. Ils occupent durablement un territoire qu’ils marquent de castoréum, une sécrétion des glandes anales. Les familles se composent de juvéniles de deux génération, qui rechercheront leur propre territoire dans leur troisième année.
  • La vie du « bûcheron » se déroule surtout dans l’eau. Ses pattes postérieures palmée (propulsion) et la queue écailleuse (gouvernail) en font un excellent nageur et plongeur. Sur la terre ferme, il est plutôt maladroit.
  • Leur fourrure extrêmement épaisse et imperméable les isole optimalement du froid.
  • Les muscles de la mâchoire du castor sont plus de deux fois plus puissants que ceux des hommes, Les fortes incisives croissent continuellement.
  • Les castors n’hibernent pas.

Mesures de protection et de promotion du castor et de création d’habitats

  • Améliorer la base alimentaire en plantant des essences conformes à la station.
  • Revaloriser les territoires peu favorables, par exemple par un aménagement et un reboisement naturels des rives et en rouvrant à la pelleteuse des bras morts de rivières.
  • Mesures d’achat ou de compensation pour encourager un arrêt partiel ou total de l’exploitation agricole ou sylvicole de zones riveraines favorables au castor.
  • Laisser à terre les arbres abattus ou tombés.
  • Placer autant que possible au bord de l’eau les surfaces de compensation écologique.
  • Informer le public et offrir un conseil individuel sur place.
  • Enlever les obstacles aux migrations (50 cm ne sont pas franchissables pour un castor!).
  • Protéger contre les dangers des migrations (par exemple routes).

Les deux derniers points sont en Suisse les deux principales causes de mort des castors, d’après les études du Centre pour la médecine des poissons et des animaux sauvages de l’Université de Berne.

Traduction: Rémy Viredaz, Genève