En 1999, l’ouragan Lothar a considérablement endommagé les forêts du Bucheggberg. Aux 65'000 m3 de chablis provoqués par ce dernier, s’ajouta encore le même volume de coupes forcées dues aux dommages secondaires provoqués par le bostryche, d’autres chablis ou des bris de neige. Pendant cette période, la priorité des gestionnaires forestiers était à l’évacuation rapide des surfaces endommagées ainsi qu’à l’écoulement des bois aux meilleures conditions possibles. La protection des sols joua inévitablement un rôle subordonné, c’est pourquoi certaines surfaces furent pratiquement totalement parcourues.

Le fait que les layons de débardage préexistants n’étaient pas recensés constitua un second problème durant cette période. Surtout dans les surfaces de chablis, les layons existants n’étaient guère plus identifiables sans l’interprétation d’images aériennes. Ceci engendra inéluctablement la création de dessertes de détail redondantes, malgré la volonté d’avoir une desserte systématique claire. Des peuplements sur-desservis et avec de fortes proportions de surfaces improductives en furent le résultat.

Aménager des systèmes de dessertes de détail durables

Depuis peu, la recherche a mis en évidence de manière univoque la problématique du compactage des sols: après le passage d’un véhicule, les sols forestiers nécessitent une très longue phase de régénération. C’est pourquoi les systèmes de desserte de détail doivent être aménagés de manière durable et pouvoir être identifiés en tout temps. C’est en effet le seul moyen de minimiser la surface forestière endommagée par le passage des véhicules. D’un point de vue économique, cela a également un sens pour le propriétaire forestier qui a intérêt à réduire autant que possible la surface improductive de ses forêts (p.ex.: layons de débardage).

Le recensement de la desserte dans le Bucheggberg ne peut évidemment pas faire disparaître complètement le compactage des sols, mais il peut permettre de le réduire en passant d’un état actuel à un état idéal planifié où la desserte est analysée et les secteurs sur-desservis sont identifiés. C’est la seule manière d’épurer le réseau des layons et d’établir à long terme un maillage fixe avec un espacement raisonnable.

La technique moderne le permet

Par analogie avec d’autres secteurs, les forestiers d’aujourd’hui sont soumis à une forte pression économique. La rationalisation permanente ne laisse guère plus de temps au garde-forestier pour la planification et encore moins pour le recensement des layons de débardage. Il n’est pas étonnant, dès lors, que le recensement de la desserte dans les forêts du Bucheggberg ait longtemps échoué au vu de la charge de travail nécessaire.

Cependant, les moyens techniques modernes, comme le GPS (Global Positioning System – système de positionnement par satellite) ainsi que les logiciels de géoinformatique, ont éveillé en nous l’idée de chercher un procédé de recensement rationnel, bon marché et qui se laisse facilement intégrer aux travaux sylvicoles quotidiens. Cette idée fut le point de départ du développement d’un système de recensement simple, grâce auquel les layons de débardage sont relevés pendant les travaux ordinaires, pour être ensuite sauvegardés durablement sous la forme de cartes digitales dans un logiciel SIG (système d’information géographique). Le projet revêt également un aspect de sécurité au travail, puisque les données de base relevées constituent des éléments qui peuvent être consultés rapidement, non seulement pour la protection des sols, mais aussi pour l’organisation des coupes.

Prérequis nécessaires du système de recensement

Dans un premier temps, nous nous sommes interrogés sur nos attentes envers un système de recensement.

  • Le recensement de la desserte de détail devrait s’intégrer au mieux aux processus de travail ordinaires afin de limiter la charge de travail supplémentaire.
  • Le recensement devrait également pouvoir être effectué avec des engins de débardage et de récolte.
  • Le traitement informatique des données relevées devrait être le plus simple possible.
  • Le système devrait être à la fois le meilleur marché possible et le plus précis possible.

C’est en tenant compte de ces conditions préalables que le responsable du groupement Mark Hunninghaus s’est mis à la recherche d’un enregistreur GPS, c’est-à-dire d’un appareil configurable individuellement, qui relève périodiquement des points de coordonnées et les sauvegarde sous différents formats.

Il s’est avéré qu’une multitude d’appareils correspondant aux critères fixés sont disponibles sur le marché. Après consultation d’un spécialiste dans le domaine ArcGIS, le choix est finalement tombé sur un enregistreur HOLUX pour des raisons de compatibilité. Ce dernier permet de recueillir des points de coordonnées par intervalles de temps et sous forme de points ou d’itinéraires. De plus, il est doté d’une bonne capacité de réception.

Pour le transfert des données, l’enregistreur GPS est connecté à un ordinateur par câble USB ou par Bluetooth. Un logiciel livré avec l’appareil permet de transférer les données sous format KML ou GPX. Le logiciel ArcGIS ne permettant pas d’ouvrir ces formats, trois étapes sont nécessaires pour finalement projeter les layons de débardage sous forme de couche dans ArcGIS:

  • Transmission de données sur le PC
  • Transformation du format KML en fichier de forme (SHP)
  • Géoréférenciation du fichier de forme (SHP); transformation des coordonnées globales (WGS 84, World Geodetic System 1984) en coordonnées suisses.

Initialement, il nous a fallu beaucoup de temps pour la transformation et la géoréférenciation des données, car différents outils de traitement étaient nécessaires. Le garde-forestier stagiaire Elias Flury a effectué par la suite plusieurs essais de terrain et sur ordinateur dans le cadre de son travail de stage, ce qui a permis de créer un module ArcGIS fusionnant les deux étapes et réduisant ainsi le temps de traitement à un niveau absolument défendable.

Depuis peu, l’importation des données a également été testée avec succès et jugée apte à la pratique en utilisant le logiciel gratuit open-source Q-GIS.

Ça fonctionne!

Les essais pratiques ont rapidement démontré que les relevés de terrain fonctionnent bien et ce, en dépit d’un degré de couverture élevé. A l’issue d’une phase d’essai intensive, durant laquelle nous avons testé différentes méthodes de relevé sur le terrain, il s’est avéré que les relevés manuels (en pressant sur une touche) étaient les plus adaptés: un point de coordonnées est enregistré lorsqu’on appuie sur la touche correspondante. L’opérateur peut ainsi être attentif au degré de couverture et peut aisément éviter des obstacles. De plus, des intersections importantes, des virages ainsi que la fin d’un layon de débardage peuvent ainsi être relevés de manière précise.

L’enregistrement de points de coordonnées à intervalles de temps fixes (p.ex. toutes les 30 secondes) s’est avéré être une bonne alternative pour l’utilisation sur les véhicules.

Les méthodes de relevés développées suite à ces expériences ont été intégrées aux martelages courants et les données ont été transférées commune par commune dans le SIG. Les nouvelles données doivent évidemment être rendues plausibles sur ordinateur puis redessinées au moyen d’un second niveau de représentation. Des zones éventuellement sur-desservies peuvent être corrigées lors de cette étape.

En ce moment, plusieurs méthodes de recensement continu du réseau de dessertes par l’intermédiaire d’enregistreurs placés sur les véhicules forestiers sont évaluées au sein de l’entreprise. Des premiers essais à bord d’un porteur ne sont pour l’instant pas concluants. Peut être est-ce l’électronique dans la cabine qui interfère trop fortement avec le signal de réception de l’enregistreur. Nous sommes toutefois convaincus que nous résoudrons aussi ce problème, éventuellement sous la forme d’une antenne amplificatrice (de la taille d’une pièce de 5 Frs) placée sur le toit du véhicule.

Le recensement numérique de systèmes de desserte forestière en est encore à ses prémices et notre système est loin d’être optimal. Par contre, nous nous réjouirions à l’idée d’un futur développement et d’une professionnalisation de notre idée au profit de la vitalité du sol forestier.

Entre temps, le centre forestier de formation de Lyss a montré un fort intérêt pour ce projet et examine une éventuelle collaboration avec l’Institut de recherches WSL en vue de poursuivre la recherche et le développement dans ce domaine.


Traduction: Guaraci forest consulting SA