Cela fait de nombreuses années déjà que des tubes s’emploient autour des jeunes plants dans les cultures forestières pour les protéger de l’abroutissement et d’une végétation concurrente étouffante, et aussi pour améliorer leur croissance. Quels sont les effets de ces tubes, comment faut-il les utiliser et quelles sont les limites de leur efficacité?

Les premiers tubes de croissance ont été développés en 1979 en Angleterre par Graham Tuley. Le principe en est resté le même depuis lors: des feuilles rigides translucides à bulles, en polypropylène ou en polyéthylène, censées se dégrader après usage sous l’effet du rayonnement UV naturel. Aujourd’hui, la plupart de ces tubes sont dotés de trous d’aération dans leur tiers inférieur, afin que la teneur en dioxyde de carbone, l’humidité et la température à l’intérieur du tube conviennent mieux à la croissance de la plante. On travaille actuellement au développement de tubes possédant une durée minimale garantie et se dégradant ensuite rapidement.

L’utilisation d’autres essences suite au réchauffement climatique, le remplacement des peuplements de résineux et la création de cultures forestières par cellules sont autant de facteurs qui pourraient augmenter encore l’importance des tubes de croissance à l’avenir.

Cependant, la principale raison qui rend nécessaires les tubes de croissance est la régulation insuffisante du gibier. Des questions se posent à ce sujet, et des critiques s’élèvent: le recours aux tubes de croissance n’est-il pas une capitulation, voire une déclaration de faillite de la sylviculture devant la chasse? Présentent-ils vraiment des avantages par rapport aux protections traditionnelles? Quel est leur coût, enlèvement manuel compris?

Avantages nombreux

A l’origine, ces tubes ont été conçus pour protéger les plants de l’abroutissement par le bétail ou de la dérive de produits phytosanitaires (tableau 1). Mais ils ont démontré aussi d’autres avantages, tells qu’accélérer la croissance en hauteur, diminuer les risques liés au gel tardif ou permettre de planter des assortiments plus petits.

Tab. 1. Effets attendus des tubes de croissance.
Effets recherchés lors de l’invention du tube de croissance:
  • protection contre le contact avec les herbicides lors de la pulverization
  • protection contre l’abroutissement par le bétail et le gibier
  • protection contre les dégâts de souris
  • protection contre l’abroutissement et le frayage par le gibier
Autres effets favorables remarqués lors du développement ultérieur:
  • plants plus faciles à repérer lors des interventions de soin
  • moins de pertes accidentelles lors du débroussaillage des cultures
  • moins de risques liés au gel tardif
  • plant stabilisé (pression de la neige)
  • possibilité d’utiliser des plants plus jeunes
  • accélération de la croissance, temps de soins diminué
  • moins de pertes, moins de regarnissage nécessaire
  • réduction mécanique de la végétation concurrente moins souvent nécessaire

Cependant, l’effet complexe des tubes de croissance n’a été compris qu’après de longues recherches écophysiologiques. Il faut en outre distinguer les modèles avec ou sans aération (réalisée en général au moyen de petits trous, voir fig. 1). Aujourd’hui, seuls les modèles avec aeration peuvent être recommandés. Les essais ont montré qu’ils augmentent la croissance en hauteur sans réduire excessivement le diamètre du tronc ni la pousse des racines. Dans les tubes, la croissance est influencée par la disponibilité de lumière et de CO2 et par la régulation de la température et de l’humidité.

  • Lumière. Le rayonnement utilisable par les plants est diminué d’environ 50 %, le chiffre exact dépendant de l’exposition, de la position dans le relief ainsi que de la couleur et de la transparence du type de tube. La croissance est néanmoins suffisante en terrain ouvert. Sous un couvert même léger, en revanche, l’utilisation des tubes peut déjà entraver la croissance des essences à fort besoin en lumière (fig. 2).
  • CO2. Dans les tubes perforés, le léger courant d’air assure un approvisionnement suffisant (l’air se renouvelle par effet cheminée).
  • Température. La température à l’intérieur du tube peut atteindre, à midi, jusqu’à 5° (aéré) ou 10° (non aéré) de plus qu’à l’extérieur. Les plants bourgeonnent en conséquence quelques jours plus tôt et peuvent développer des pousses annuelles plus longues. Il n’en résulte pas de flétrissement.
  • Humidité. Dans les tubes à trous d’aération, l’humidité intérieure reste voisine de celle de l’environnement. On évite ainsi, ou du moins l’on diminue, le risque d’une humidité excessive pouvant favoriser les attaques de champignons. Les plants qui ont poussé dans des tubes de croissance aérés ne présentent ensuite pas de problèmes de stabilité.

Choix des tubes

Il existe aujourd’hui en Europe une multitude déconcertante de produits: on trouve sur internet ou dans les catalogues par correspondance une cinquantaine de types différents de tubes, housses, treillis entourés d’un film ou simples treillis nus pour entourer les jeunes plants. Pour faire son choix, on tiendra compte des points suivants:

  • Préférer les tubes aérés, qui offrent de meilleures conditions de croissance que les non aérés.
  • Les tubes doivent être à double paroi, car la paroi protectrice extérieure peut devenir très chaude et ne doit pas entrer en contact avec les feuilles, qui risqueraient de flétrir.
  • Le haut des tubes doit être évasé ou plié vers l’extérieur, afin ne pas blesser les pousses qui sortent ni le tronc qui bouge sous l’action du vent.
  • Dans des conditions de moindre éclairement, notamment sous couvert, préférer des tubes transparents ou constitutes d’un treillis ouvert.

Mise en place

Le montage des tubes de croissance doit s’effectuer dans les règles de l’art:

  • Les tubes doivent être ancrés dans le sol de façon stable, pour éviter par exemple des dégâts de souris.
  • Les tubes en grillage sont souvent un peu meilleur marché, mais ils sont moins stables de forme, ont moins de contact avec le sol et sont souvent pris comme support par les vrilles de la vegetation concurrente.
  • Dans la planification, ne pas oublier les accessoires: serre-câbles (s’ils ne sont pas fournis avec les tubes), anneaux de renfort et piquets de fixation (en robinier ou en chêne pour avoir la durée de vie nécessaire).
  • Conserver le matériel et notamment les piquets dans un endroit sec pour des raisons d’ergonomie, car le volume et le poids à transporter peuvent être considérables si la surface est grande.
  • Si le piquet dépasse le tube d’environ 10 cm, celui-ci sera plus stable, et il restera possible de renfoncer un peu les piquets au prochain contrôle.
  • Lors des contrôles ultérieurs, vérifier la verticalité et ôter la végétation concurrente qui s’est installée sur les tubes ou à l’intérieur de ceux-ci.
  • Si les tubes ne se dégradent pas spontanément, il faut les enlever et les éliminer correctement: ces opérations doivent être prévues dans la planification des travaux et des frais.

Calcul des coûts

Le calcul du coût d’utilisation des tubes de croissance comprend de nombreux points: le tube luimême, le piquet de fixation et ses frais annexes (transport, etc.), l’installation, les contrôles et finalement l’enlèvement et l’élimination. (Les données qui suivent sont tirées de la literature citée en fin d’article et des recherches de l’auteur.) En Allemagne, il faut actuellement compter un prix moyen d’environ 1,20 euro pour un tube de croissance et 0,45 euro pour un piquet en robinier. L’installation revient environ à 1,12 euro et l’enlèvement à 1,25 euro. L’élimination (transport et taxe de déchetterie) représente 0,53 euro. Au total, donc, on compte environ 4,55 euros pour une protection individuelle sur plusieurs années, enlèvement compris.

Pour comparer les prix à ceux d’une protection contre l’abroutissement au moyen d’une clôture, il faut considérer le nombre des plants à protéger, la nécessité d’enlever les tubes après usage et la longueur de clôture requise. Les auteurs cités en bibliographie parviennent à des conclusions différentes selon les hypotheses faites sur la structure des coûts et le type de clôture envisagé. Dans l’ensemble, on peut dire qu’au-dessous de 650 à 1800 plants à protéger par hectare, les tubes de croissance reviennent meilleur marché. En conséquence, certains auteurs ne recommandent les tubes que pour des cultures pouvant être créées avec une faible densité de plants, comme pour le mélèze, le douglas ou la plantation de chênes par touffes. Dans tous les cas, il faut employer des assortiments encore petits (par exemple des plantules de chêne d’un an, 1+0), donc moins chers, pour compenser tant soit peu le surcoût des tubes de croissance. Les différences énormes entre les auteurs quant aux conditions dans lesquelles ils recommandent la protection individuelle ou la protection par cloture montrent du moins l’importance d’effectuer son propre calcul des coûts dans tous les cas. En plus de l’aspect financier, il faut aussi tenir compte d’autres avantages de la clôture ou des tubes de croissance: par exemple la nécessité de protéger aussi les essences d’accompagnement, mais également le fait que l’emploi des tubes de croissance réduit de près de moitié les frais de nettoyage de la culture, accélère la croissance et laisse plus de surface disponible pour la pâture du gibier.

Questions ouvertes

  • Dégradabilité. Les tubes de croissance devraient pouvoir se dégrader entièrement dans leur environnement forestier naturel une fois remplie leur mission de protection. En effet, des feuilles qui pourrissent dans les tubes ou une pression trop prolongée de l’écorce contre la paroi peuvent causer un dépérissement du cambium ou la formation de raciness indésirables sur le tronc (fig. 3). En même temps, la durée de vie des tubes photodégradables ne doit pas être trop courte (au moins cinq ans environ), afin que même des plants de petite taille restent protégés jusqu’à l’atteinte d’une hauteur suffisante pour être à l’abri de l’abroutissement.
    Malgré le progrès des développements, certaines attentes à l’égard des tubes de croissance ne sont pas encore réalisées:
  • Utilisation pour les résineux. Les connaissances sont encore extrêmement lacunaires quant aux effets des tubes de croissance sur les résineux, surtout le sapin blanc, en particulier sous couvert. De premiers essais sur la photoécologie de cette essence dans des tubes de croissance sous différents degrés de couvert sont en cours. Le développement de tubes transparents à faible réflexion joue ici un rôle-clé.
  • Hêtre. Les problèmes d’attaques de champignons ou de pucerons laineux ont pu être écartés grâce aux trous d’aération, mais il reste que le faible diamètre des tubes fait souvent que, lors de la poussée de croissance du début de l’été, la pousse terminale d’abord molle et pendante ne parvient pas à se redresser complètement et se lignifie dans cette position (fig. 4).

  • Traduction: Rémy Viredaz, Genève