Les frênes et les ormes luttent contre des agents pathogènes introduits en Suisse, et il en va de la survie même de ces deux espèces. En 2016 et 2017, Protection de la forêt suisse a recensé des frênes et des ormes sains par le biais d'une enquête auprès des forestiers et d'autres personnes intéressées. Au total, 397 frênes apparemment tolérants et 768 ormes sains ont été signalés et permettront une analyse plus approfondie.

Frênes signalés

Le frêne (Fraxinus excelsior) est menacé en Europe par un champignon envahissant originaire d'Asie: Hymenoscyphus fraxineus. Ce champignon est responsable du dépérissement des pousses du frêne (ou chalarose), une maladie mortelle pour la troisième plus importante espèce feuillue de Suisse après le hêtre et l'érable. Les premiers symptômes ont été observés en 2008 dans le nord de la Suisse. La chalarose s'est ensuite rapidement répandue et a atteint le sud de la Suisse en 2015.

Même si le champignon est petit et discret, les dégâts qu'il cause sont considérables. Plus de 90% des frênes en sont atteints. Alors que les jeunes arbres meurent en quelques années, la maladie évolue beaucoup plus lentement chez les arbres plus âgés. Le problème est que les arbres affaiblis deviennent souvent instables et posent un risque pour la sécurité des personnes et des infrastructures.

Le frêne est une essence très importante tant sur le plan écologique qu'économique. Afin de la préserver à long terme, la Confédération, les cantons et la recherche se sont mis d'accord sur une stratégie en cinq axes:

  1. la quarantaine (pour éviter de nouvelles introductions)
  2. la résistance (pour promouvoir la tolérance du frêne en forêt)
  3. le remplacement (pour tester des essences de remplacement)
  4. la lutte (options de lutte biologique)
  5. le suivi (monitoring)

Dans les domaines de la résistance et du suivi, les premiers travaux ont déjà été réalisés en Suisse ces dernières années. Cependant, au lieu de «résistance», il faudrait plutôt parler de «tolérance», car il n'y a pratiquement pas de frênes complètement épargnés par la maladie; même les arbres d'apparence parfaitement saine présentent des taches foliaires isolées, voire quelques pousses mortes.

En 2016 et 2017, les forestiers ont signalé des frênes qui semblaient tolérants à la maladie. L'objectif était de dresser un inventaire national des frênes potentiellement tolérants qui pourraient jouer un rôle dans la conservation de l'espèce. Les premiers résultats de cette enquête montrent que le nombre d'arbres en Suisse est suffisant pour poursuivre les recherches.

Au total, 397 frênes apparemment tolérants ont été signalés (Fig. 2), dont 353 dans les zones ciblées par l'enquête. L'accent a été mis sur les régions dans lesquelles la maladie était déjà présente depuis suffisamment longtemps pour que les tolérances puissent être clairement identifiées. Les cantons de Genève et Vaud, du Valais et du Tessin, ainsi que le sud du canton des Grisons (44 annonces au total) ont donc été exclus.

Le nombre d'arbres identifiés grâce à l'enquête permet d'envisager de nouvelles investigations en Suisse. Les symptômes de la chalarose étant parfois difficiles à détecter (branches malades cachées dans la couronne ou nécroses du collet), le plus grand nombre d'arbres possible sera contrôlé par des spécialistes jusqu'à l'automne 2018 (284 sur 353 au total). Seuls ceux qui ne se trouvent pas à proximité immédiate d'arbres malades ont été exclus. Outre l'état de santé des arbres, des paramètres environnementaux importants sont enregistrés. Dans le cadre de cet examen, 20 frênes voisins seront également examinés et leur état de santé sera évalué. Les paramètres du site tels que la végétation au sol ou le type de forêt sont également enregistrés.

Toutes ces informations sont utiles pour une recherche détaillée des tolérances possibles. Ils permettent d’effectuer une sélection des frênes les plus prometteurs pour des mesures futures et des recherches plus poussées. On suppose généralement que jusqu'à 10 % des frênes en Europe pourraient être tolérants à la chalarose. L'objectif premier est de préserver à long terme les frênes sains sélectionnés afin de pouvoir les analyser ultérieurement et de disposer de suffisamment d'individus pour une éventuelle reconstruction de la population à des fins de conservation de l'espèce.

Ormes signalés

Dans les années 70, la population d’ormes en Suisse a subi une forte réduction semblable à celle qui touche actuellement le frêne. Elle s'était alors effondrée à cause de la graphiose. D’après les chiffres du troisième inventaire forestier (IFN3), on estime à 1 982 000 le nombre d’ormes en Suisse.

Le service de Protection de la forêt suisse a profité de l’enquête sur le frêne pour poser également des questions sur les ormes (DHPmin 20 cm). Au total, 768 ormes sains ont été signalés (Fig. 3), soit beaucoup plus que des frênes. Étant donné que les ormes adultes sains sont plus rares, ils attirent peut-être davantage l’attention.

Un examen des classes de DHP des arbres signalés montre que davantage de jeunes ormes que de frênes ont été signalés (classe 2). Ceci est dû à la nature des maladies qui touchent les deux espèces d'arbres. Comme les scolytes de l'orme (Scolytus scolytus et S. multistriatus, vecteurs de la graphiose) préfèrent les arbres au-dessus d'un certain âge ou d’un certain DHP, les régénérations d'orme ont de meilleures chances de s’installer que celles du frêne, qui peuvent être atteints par la chalarose dès le stade du semis.

La prédominance de la classe 5 dans le frêne s'explique d'une part par la plus grande résistance des individus plus âgés et bien établis. Par ailleurs, les grandes couronnes sont plus visibles. C'est probablement aussi la raison principale de la prédominance de la classe 5 du DHP chez l'orme.

Les résultats de l'enquête montrent qu'il y a encore des frênes et des ormes en bonne santé en Suisse malgré l’effondrement massif des populations. Comparée aux spores de Hymenoscyphus fraxineus, qui sont facilement dispersées par le vent, la taille des scolytes de l'orme en tant que vecteurs de dissémination limite la pression d'infection. Néanmoins, il reste à espérer que les efforts déployés pour préserver les frênes permettront de stabiliser les effectifs.