Dans un essai pilote avec régénération naturelle du chêne, nous avons étudié la manière dont les chevreuils et les souris influencent la croissance du chêne sur une surface de régénération. Au moyen de semences, nous avons de plus examiné la mortalité des semis et des plantules. Les résultats de cette étude de cas illustrent l’interaction de facteurs essentiels.

L’essai débuta lors de l’hiver 1998/1999 sur une surface de régénération d’une superficie de 40 ares, dans le Churzholz près de Waltenschwil (AG) suite à une coupe des bois. Il s’agit en l’occurrence de l’association forestière 7d, une hêtraie à aspérules caractéristique avec des luzules, à 460 mètres d’altitude. En lisière de coupe se dressent des chênes pédonculés isolés qui ont produit une fructification complète en 1998. Au printemps 1999, de nombreux chênes et semis de chênes se trouvaient aux alentours des plantes mères.

La disposition de l’essai

Sur la surface de régénération, nous avons semé des glands dans deux cadres de bois de 100 cm x 100 cm recouverts d’un treillis de fil de fer (largeur des mailles de 2 mm) afin de tenir à l’écart souris, oiseaux, écureuils et escargots. En vue d’un contrôle, nous avons installé deux placettes comparatives sans protection aucune. Les cadres en bois s’enfonçaient à 20 cm dans le sol. Dans chaque cadre, nous avons semé 100 glands à l’aide de semences stratifiées, de grande qualité, à croissance rapide et qui laissent donc entrevoir un pourcentage élevé de germination.

Parallèlement, trois couples de placettes comparatives, formés respectivement d’un enclos témoin de 5 m x 5 m et d’une surface partielle de 5 m x 5 m non clôturée 10 m plus loin, furent mis en place en avril 1999. Deux autres couples durent être abandonnés après l’ouragan Lothar.

Entre 2000 et 2002, plusieurs fois par an, nous avons inventorié les semis dans les cadres de bois et sur les placettes comparatives non protégées. Au printemps 1999 et à l’automne 2004, nous avons recensé la régénération des arbres et des arbustes, ainsi que la végétation d’accompagnement dans les enclos témoins et sur les surfaces partielles non clôturées. Les plantes ligneuses furent dénombrées en fonction de l’essence et de la classe de hauteur. Au début des essais, la population de chevreuils était de 12 à 15 animaux pour 100 ha selon les recensements du gibier. Au printemps 2004, nous avons compté 15 à 18 animaux pour 100 ha.

Les souris réduisent le nombre de semences de chêne

Dans les deux cadres en bois, 60% et 47% des semences de chêne germèrent; sur les surfaces de contrôle voisines sans protection, il ne s’agissait que de 4 et 5% (voir figure 2).

Sur les placettes comparatives, une grande partie des glands semés disparut dans les premiers jours qui suivirent l’ensemencement. Recouverts de feuilles et de litière, ils furent probablement rassemblés par les souris. À l’aide de pièges capturant les animaux vivants, nous avons déterminé les espèces de petits mammifères présents: mulots à collier roux et campagnols roussâtres exclusivement (voir figures 3 et 4).

Les semis et les plantules des deux placettes comparatives non protégées furent toujours librement accessibles aux chevreuils. Les formes de croissance des chênes, dont la taille n’était que de 15 à 20 cm à l’âge de six ans, étaient caractérisées par un abroutissement répété des pousses terminales. Au bout de deux ans, les plantules sous le treillis mesuraient déjà 15 à 20 cm. Une fois les treillis protecteurs retirés, la croissance commença à stagner à cause de l’abroutissement du gibier. Les jeunes chênes fortement ramifiés réussiront-ils à poursuivre leur croissance malgré les dégâts d’abroutissement du gibier et si oui quand? Les prochaines années nous le diront.

Un plus grand nombre de chênes a survécu à l’extérieur des enclos

Au début des essais en 1999, nous avons dénombré 126 (7, 74, 45) chênes dans les enclos et 152 (10, 57, 85) sur les placettes comparatives. En l’espace de cinq ans, le nombre de chênes des surfaces clôturées chuta de 90%, pour passer à 13 individus (1, 0, 12). Sur les surfaces non clôturées, il diminua de 72%; 42 chênes survécurent (2, 21, 19). En conséquence, il s’avéra que nettement plus de chênes survécurent à l’extérieur qu’à l’intérieur des enclos. Néanmoins, les chênes ayant survécu dans les enclos dépassèrent dans leur croissance celle des chênes des surfaces de contrôle.

Trop de ronces pour les jeunes chênes

Au fil de six années d’expérimentation (printemps 1999 – automne 2004), la végétation des enclos témoins et des surfaces non clôturées évolua comme suit: l’été 1999, des graminées poussant de façon éparse (luzule des forêts), des galéopsis et des ronces isolées couvrent le sol. Les pieds restants de chênes et de hêtres bourgeonnèrent à nouveau. Les rejets de souche de chêne constituent la principale source de nourriture des chevreuils, si bien qu’au bout de trois ans, la vitalité des vieilles souches diminua considérablement et il n’y eut plus de rejets.

En l’espace de trois à quatre ans, les ronces recouvrirent les six surfaces dans leur totalité (degré de recouvrement des ronces de 100%). Elles poussèrent nettement plus haut dans les enclos témoins; elles prirent appui sur les clôtures au point d’atteindre 3 à 4 m de hauteur.

Un effet similaire fut constaté sur les surfaces de chablis où le bois de chablis était resté à terre (Angst et al. 2005). La densité de ce recouvrement par la végétation d’accompagnement fut largement responsable de la mortalité élevée des chênes dans les surfaces clôturées. L’abroutissement des ronces, bouleaux, saules et aulnes par les chevreuils donna lieu à une végétation moins dense et nettement plus basse dans les placettes comparatives non clôturées que dans les surfaces clôturées.

Végétation de concurrence: plus déterminante que les souris et les chevreuils?

Cette petite étude de cas fournit des indications intéressantes sur le succès, ou l’échec, des régénérations naturelles du chêne. Supposons qu’après une fructification complète, ou glandée totale, 300000 glands/ha soient au sol (Krahl-Urban 1959) et que 49%, comme dans notre essai avec des semences, soient consommés par des souris, il restera ainsi tout de même 147 000 chênes/ha. Les souris à elles seules ne peuvent donc, malgré leur forte consommation, empêcher la régénération de l’arbre.

Jusqu’à présent, le chevreuil n’a pas non plus mis un terme à la survie du chêne dans le Churzholz. Cela sera-t-il également valable sur la durée? Nous ne le savons pas encore. Dans notre cas précis, le chevreuil a augmenté les chances de survie du chêne à la puissance trois, car il a maintenu la concurrence de la végétation basse. Au contraire, dans les surfaces clôturées, un épais recouvrement des chênes par les ronces s’est imposé, ce qui entraîna une forte mortalité des chênes. Les chênes de l’enclos mesurent 70 à 220 cm de hauteur, ceux des placettes comparatives 25 à 100 cm. Si l’abroutissement se poursuit tel quel, certains chênes isolés, non protégés, devraient échapper aux dégâts des chevreuils.

Les avantages et les inconvénients de l’enclos ou d’une protection individuelle doivent par conséquent être évalués à la lumière de la végétation de concurrence: la protection individuelle devrait écarter le chevreuil et l’orienter vers la végétation de concurrence.

En outre, il fut démontré sur d’autres surfaces de Lothar que des chênes plantés, y compris lorsque l’offre de semences est très bonne comme à la suite de chablis de grande envergure, ne peuvent pas pousser sans protection contre le gibier (Koch et Brang 2005). D’autres dégâts de frayure apparaissent par la suite. Certes, nos surfaces ont jusqu’à présent été épargnées. Toutefois, il semble conseillé d’inclure une protection contre la frayure.