Il y a une dizaine d'années, le capricorne asiatique a été signalé de plus en plus souvent en Suisse. Ce ravageur et son cousin le capricorne asiatique des agrumes mettent en danger différentes essences feuillues. A ce jour, les deux espèces n’ont contaminé que des arbres situés en milieu urbain, mais il n’est pas exclu qu’elles se répandent vers les forêts.

L’introduction involontaire d’espèces animales et végétales pouvant causer des dommages n’est pas un phénomène nouveau en Europe. En Suisse aussi, l’opinion publique a été confrontée depuis 2011 à la présence de deux espèces de capricornes provenant de l’Asie. Il s’agit du capricorne asiatique, appelé aussi longicorne asiatique (Anoplophora glabripennisALB, de l’anglais Asian Longhorned Beetle), l’un des ravageurs les plus dangereux au monde, et du capricorne asiatique des agrumes (Anoplophora chinensisCLB, de l’anglais Citrus Longhorned Beetle), dont le rôle est pour l’instant nettement moins important en dehors de l’Asie.

Morphologie

Les deux coléoptères sont très grands, entre 20 et 37 mm de long. Leurs antennes sont particulièrement longues et peuvent mesurer jusqu’à deux fois la longueur du corps chez les mâles. Les antennes des femelles des deux espèces sont au moins aussi longues que le corps (fig. 1 et 2). Les deux genres ont des antennes noires striées de gris bleu clair. Leurs élytres se distinguent par la brillance et la couleur noire ponctuée de 10 à 20 taches blanches irrégulières. Le pronotum présente deux épines latérales pointues.

La principale différence entre les deux insectes adultes réside dans la texture de la base des élytres: tandis que la partie antérieure (un cinquième) des élytres est fortement granuleuse chez CBL, elle est entièrement lisse, mais finement ponctuée chez ALB (fig. 3). La forme japonaise de CLB (forme malasiaca) a en outre, sur le pronotum, deux taches pileuses blanc bleuté qui sont toujours absentes chez ALB.

Les larves apodes des deux espèces mesurent 5 cm de long et présentent une bande en forme de créneau sur le pronotum (fig. 4). Celui de la larve de CLB comporte une deuxième bande plus ou moins évidente. Mais seule une analyse génétique permet d’établir une distinction fiable, notamment entre les jeunes larves de CLB et ALB.

Mode de vie

Les deux capricornes ont des cycles de développement très semblables. Nous présentons uniquement le cycle se rapportant au capricorne asiatique (voir fig. 5).

Avant la ponte, la femelle fore des encoches de forme conique ou en fente dans l’écorce du tronc ou des branches de l’arbre-hôte et glisse dans chacune d’elles un œuf entre le liber et l’aubier. Elle pond entre 30 et 60 œufs, voire jusqu’à 200 exceptionnellement. La larve éclot après une à deux semaines et commence à s’alimenter dans le liber. La jeune larve a besoin d’écorce d’arbres vivants. Après le troisième stade larvaire, la larve pénètre dans le bois où elle creuse une galerie ovale, de 10 à 30 cm de long, qui évolue vers le haut du tronc. En pratiquant ce forage, elle rejette de la sciure, fine au début puis grossière ensuite, qui s’accumule sur le tronc, au pied de l’arbre ou à l’aisselle des branches.

La larve se nymphose à l’extrémité de la galerie. Au terme du stade nymphal de 2 à 3 semaines (fig. 6), l’insecte adulte reste encore dans le berceau de nymphose pendant 1 ou 2 semaines après la mue, puis il fore un orifice de sortie circulaire de 1 cm de diamètre dans la branche ou le tronc (fig. 1), généralement au-dessus du lieu de ponte.

Après l’éclosion, les jeunes adultes accomplissent un forage de maturation dans l’écorce encore non lignifiée de jeunes rameaux ou perforent occasionnellement aussi les feuilles et les pétioles (fig. 7). Si la vitalité de l’arbre est suffisante, ils restent sur leur arbre de ponte pour engendrer la génération suivante. Ces insectes sont assez lents et ne volent que sous les températures élevées de journées ensoleillées. Mais ils se confinent généralement dans les environs immédiats s’ils y trouvent des arbres de ponte adéquats. La période d’envol des coléoptères s’étend sur toute la période de végétation, d’avril à octobre, et culmine de juin à août. En Europe centrale, il faut normalement 2 ans pour une génération.

A la différence de la biologie du capricorne asiatique, la femelle du capricorne asiatique des agrumes crée pour sa ponte des fentes en forme de T ou de petits entonnoirs, le plus souvent au pied du tronc (dans le demi-mètre inférieur) ou sur des racines traçantes. Pendant le développement larvaire, les rejets de sciure sont souvent un élément marquant qui s’observe justement aux racines: environ 90 % de la population se développe dans les racines sous terre. Les orifices de sortie du CLB ont un diamètre de 10 à 15 mm en moyenne et sont donc en moyenne plus grands que ceux de l’ALB. Ils se trouvent à la base du tronc et dans les racines (fig. 8). L’envol des coléoptères a lieu principalement de mai à juillet.

Plantes-hôtes et dommages économiques

Les deux espèces de coléoptères colonisent uniquement les feuillus vivants. Elles peuvent infester presque toutes les espèces d’arbres et arbustes feuillus, de toutes classes d’âge et de dimension supérieure à 3 cm de diamètre. Tant ALB que CLB ont donc une palette d’hôtes potentiels extrêmement large. En Europe, les essences les plus souvent atteintes sont l’érable, le bouleau, le saule, le marronnier et le peuplier. En Chine, le capricorne asiatique des agrumes endommage surtout les arbres à agrumes, d’où son nom.

Contrairement à la plupart des capricornes indigènes, les deux espèces asiatiques attaquent les plantes saines. Les larves dévorent les tissus et endommagent les vaisseaux conducteurs du liber cortical et de l’aubier, interrompant ainsi la circulation de la sève. Si celle-ci ne passe plus du tout, l’arbre meurt. Les forages dans l’écorce entraînent des écoulements de sève et servent de porte d’entrée aux champignons pathogènes. Chez les jeunes arbres de petit diamètre, une faible atteinte signifie déjà la mort de la plante-hôte. Les arbres plus âgés résistent bien à un forage limité de quelques larves. Mais les fortes infestations, ou celles qui durent plus longtemps et se répètent au cours de plusieurs générations d’insectes, affaiblissent aussi ces arbres entièrement développés à un tel point qu’elles peuvent être fatales.

Le capricorne asiatique est maintenant l’un des ravageurs des feuillus les plus dangereux au monde. Les conditions climatiques sont favorables, voire très favorables, à son établissement dans toute l’Europe et le risque qu’il s’y introduise est considérable en raison du commerce de marchandises florissant avec la Chine (emballages, plantes ornementales, fig. 9 et 10). Presque toutes les infestations aux USA et en Europe se sont produites sur des arbres en ville et dans des parcs, dans des zones habitées ou industrielles. Le potentiel de dégât est généralement élevé, car ces coléoptères colonisent diverses espèces d’arbres sains et ils sont présents dans différentes régions climatiques. Il n’existe aucune espèce de capricorne indigène présentant un tel potentiel.

Aux USA, des dizaines de milliers d’arbres ont dû être abattus et détruits dans des zones habitées; le coût des dommages dépasse actuellement un demi-milliard de dollars. Selon une estimation récente, une propagation du capricorne asiatique aux USA pourrait causer jusqu’à 30 % de dépérissements dans l’ensemble des régions urbaines et coûterait plusieurs centaines de milliards de dollars.

A Braunau (Autriche), où le capricorne asiatique s’est manifesté pour la première fois en Europe, quelque 2 millions d’euros ont été dépensés entre 2001 et 2006 pour la lutte et le suivi. Dans la région de Milan, une zone de 400 km2 a été contaminée par le CLB. Jusqu’en 2011, quelque 25 000 arbres y ont été abattus, dont 17 000 étaient infestés. Environ 18 millions d’euros ont été investis jusqu’à présent dans la lutte et le suivi.

Les forêts naturelles sont-elles en danger?

Le potentiel d’endommagement dû au capricorne asiatique dans les forêts naturelles est encore peu connu. Tant en Chine qu’en Europe, les aires forestières naturelles ont été largement épargnées d’une infestation provenant de foyers avoisinants. Mais une analyse de risques pour l’Europe a démontré le potentiel d’une telle contamination des arbres forestiers.

Les mesures de suivi et de lutte sont extrêmement coûteuses si le coléoptère se répand en forêt. S’il devait s’y établir, des restrictions sérieuses du commerce de bois en découleraient en Suisse et à l’étranger. Outre les aspects économiques et sociétaux se pose la question des conséquences écologiques d’une propagation à grande échelle. Au stade actuel des connaissances et du niveau d’infestation, toute réponse reste spéculative. Il serait possible qu’une partie des principales essences-hôtes diminuent régionalement, mais cela n’aurait guère de conséquences graves pour les organismes tributaires de ces essences.

Mesures

La principale mesure préventive consiste à empêcher l’introduction d’organismes de quarantaine en respectant les dispositions en matière d’importation et de contrôles des produits d’importation.

Lorsqu’une contamination est décelée, il est essentiel de déceler à temps tout foyer d’infestation. Comme le capricorne asiatique ne vole pas très loin et qu’il lui faut généralement deux ans pour se développer dans le bois, il est réaliste d’espérer que de petits foyers pourront être assainis. Toute plante ligneuse et tout produit en bois infestés, comme les cageots, palettes ou bois de feu, doivent être immédiatement détruits. Tout ce matériel doit être broyé (fig. 11) et / ou éliminé dans une usine d’incinération. S’il s’agit d’une infestation du CLB, il faut aussi éliminer les souches.

Idéalement, il faudrait détruire non seulement les arbres infestés, mais aussi, à titre préventif, toutes les plantes-hôtes potentielles voisines. Si une telle mesure n’est pas réalisable, les arbres laissés sur pied seront examinés méticuleusement plusieurs fois par année (fig. 12). Par ailleurs, aucun feuillu ne sera extrait de la zone contaminée sans avoir été préalablement traité et contrôlé à fond. Ceci concerne non seulement le bois d’œuvre, mais aussi le bois de feu, le bois coupé ou les plantes en pépinière.

Attention à ne pas confondre avec les espèces indigènes!

Il importe de ne pas éliminer, par excès de prudence, chaque arbre présentant des traces de forage ou des trous. De nombreuses espèces de coléoptères et d’autres insectes arboricoles indigènes, parfois rares et menacés, sont tributaires de vieux arbres affaiblis ou dépérissants.

Si une infestation de ALB ou CLB ne repose pas sur un soupçon fondé, il faut absolument laisser sur pied notamment les vieux arbres richement structurés comportant des trous, des galeries larvaires, de la sciure ou des blessures, car ils sont une base indispensable à la vie de multiples insectes, oiseaux, champignons, plantes et lichens (voir www.boismort.ch).

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